Luc DE BRABANDERE, Petite philosophie des arguments fallacieux, Eyrolles, 2020, 165 p., 14 € / ePub : 9.99 €,, ISBN : 978-2-416-00095-9
Pour son dix-huitième ouvrage, l’exceptionnel vulgarisateur Luc de Brabandere s’en prend aux « idées toxiques ». Auteur d’un plan interactif intitulé Les Philosophes dans le métro, à partir duquel il est possible d’entrer en philosophie sans aucune chance d’en sortir (c’est le but), il n’en est pas à son coup d’essai ni à sa première invention au service de la pensée. Celle-ci se décortique dans tous ses écrits et l’auteur reste grand apôtre de la bonne parole critique, augmentant ici d’un nouveau titre, Petite philosophie des arguments fallacieux, sa participation aux éditions Eyrolles, bien connues pour leur centration pédagogique.
D’une écriture sobre et accessible, le texte est davantage le récit d’une réflexion qu’une argumentation, une démonstration ou une explication en bonne et due définition. Rien de magistral donc, pour que de manière didactique, tous ces mots soient proprement utiles et utilisés en regard des uns et des autres. Tout comme doivent l’être l’affirmation, l’allégation, l’assertion, le biais cognitif, l’inférence, le paralogisme, etc. Autant de termes et de situations qui permettent de rappeler ce que signifie convaincre, persuader et raisonner… et comment la logique s’emmêle de rhétorique par exemple.
Ainsi, une part est consacrée au sophisme et à ses adeptes depuis la naissance de la philosophie en Occident ; et dont Platon fit largement les frais, même si de réputation, celui-ci a gagné sur ceux-là. Par contre, dans les faits… L’auteur en profite alors pour résumer les grands ouvrages passés traitant des arguments fallacieux et pour en éclairer une partie des quarante à cinquante identifiés à ce jour. Leur lecture donne au départ un sentiment de cabinet de curiosités, jusqu’à ce que Luc de Brabandere nous demande d’identifier tous ceux qui nous bousculent, nous entourent, nous harcèlent quotidiennement.
Dès lors, le dernier chapitre est astucieusement intitulé Internet, le pays rêvé des sophistes et nous démontre combien le réseau numérique est effectivement bon et mauvais au lieu de ni bon ni mauvais, comme on se contente souvent de le dire. Nuance de poids car elle impose un indispensable et permanent travail à produire en tout lieu, tout moment et sans relâche : réfléchir. C’est probablement ceci qui fait le plus obstacle à une pensée-monde meilleure. C’est un travail de tous les instants, or nous sommes des êtres très ingénieusement paresseux.
Ceci donne sans doute une profondeur à cette bonne formule, lorsque l’auteur déploie son sens critique à propos des transhumanistes ou posthumanistes, les alchimistes du XXIe siècle de la Silicon Valley : Avec leur élixir numérique, ils veulent également transformer les atomes de silicium en idée et proclamer la « mort de la mort ». Minéral, végétal, animal, digital ! Mais bien sûr !
Et de conclure par la responsabilité — typiquement démocratique – qui nous attend tous, toute la vie : Aucune équation ne peut et ne pourra jamais définir ce qu’est le bien, le juste ou le beau.
Tito Dupret