Nuit macabre au bivouac

Francis GROFF, Waterloo, mortelle plaine, Weyrich, coll. “Noir corbeau”, 2021, 264 p., 18 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 978-2-87489-631-6

groff waterloo mortelle plaineQuatrième participation à la collection de polars «  Noir Corbeau », c’est sur Waterloo, après plusieurs autres sites de chez nous, que Francis Groff, journaliste, scénariste et romancier, a pointé sa plume dans Waterloo, mortelle plaine. On y retrouve Stanislas Barberian, bouquiniste belge installé à Paris, mais  fiancé à Martine, une consœur bruxelloise, complice des enquêtes policières que le jeune homme mène à titre officieux pour rendre service à ceux qui font appel à sa perspicacité.

Waterloo… On se dit qu’il y aura nécessairement un rapport avec l’Histoire et avec « la pelle » du 18 juin 1815 encaissée par Bonaparte en fin de parcours. Bien vu… Même si le crime est lui de toute fraîcheur et concerne un « restituteur » (néologisme redondant qui désigne tout participant au spectacle nostalgique et haut en couleur d’une reproduction « à blanc » de cette tuerie historique). La victime : Charles-Damien Passereau (CHD) faisait partie de l’Ambulance 1809 de la Garde impériale, un groupe international de reconstitution créé par un aficionado local et convié, en ces temps de pandémie à un « bivouac de consolation ».

Peu consolant toutefois pour CHD offrant le spectacle peu ragoûtant d’une tête carbonisée par la mise à feu d’une charge de poudre à canon enfournée dans la bouche. Et ce au cours d’un mystérieux rendez-vous nocturne avec un inconnu. Pourquoi ce déchaînement de sauvagerie ? C’est ce que cherche à découvrir Barberian, sollicité par Lilette, mère éplorée de la victime et amie de Martine. L’affaire est d’autant plus compliquée que la personnalité de CHD, exploiteur invétéré de son entourage et notamment de sa mère et de son fortuné beau-père, est rien moins que désastreuse. Au delà de l’intrigue sur laquelle la police s’était cassé les dents (et, bien entendu, dénouée avec brio par le bouquiniste et sa compagne), l’auteur déploie selon son habitude un souci didactique qui concerne tant l’historique de la « Grande armée », les représentations qu’elle a inspirées ou le vocabulaire et les accessoires militaires de l’époque que l’évocation des curiosités touristiques et autres de la province brabançonne, sans oublier une référence à la tuerie plus récente et toujours impunie qui l’a dramatiquement endeuillée. Tout cela sans préjudice de plongées dans un univers résolument contemporain et bien porteur lui aussi de nombreuses interrogations épineuses et de soucis majeurs auxquels la présente enquête n’est pas étrangère.

Si la présence d’un couple de détectives amateurs est propre à apporter un certain relief à une enquête policière (comme nombre de romans policiers ou de feuilletons télévisés en ont éprouvé la recette), il reste que les échanges entre Barberian et son amoureuse sous le signe d’un humour « malicieux » relèvent quelque peu d’un « déjà vu » plutôt conventionnel. Sans doute est-ce aussi le didactisme comme le souci d’être exact et complet qui transpirent dans une écriture parfois scolaire et trop appliquée dans ses descriptions. Ce qui n’enlève rien à l’originalité et à l’intérêt d’un scénario bien ficelé.

Ghislain Cotton