Le silence de l’invisible…

Anne-Marielle WILWERTH, Les miroirs du désordre, Taillis Pré, 2021, 88 p., 16 €, ISBN : 978-2-87450-180-7

wilwerth les miroirs du desordreL’hiver
est une vaste clairière
où la neige minutieusement
déplie son ineffable

Anne-Marielle Wilwerth continue ici, avec ce dernier recueil, Les miroirs du désordre, d’explorer son archéologie du silence. On y retrouve les thèmes chers à l’auteure qui n’a de cesse de creuser, de circonscrire, d’ouvrage en ouvrage, cette zone impalpable que forme l’écho du silence en nous. À la différence peut-être que ce nouvel opus, ce nouveau champ de fouille décale quelque peu son rayon d’action en se focalisant sur une matière qui ferait appel à un autre sens, la vue. Subtilement, la poétesse laisse dériver le silence vers l’invisible. La première partie du recueil, intitulée un simple froissé d’infini, en témoigne dès l’entame.

Il faut beaucoup d’invisible
pour que nos âmes
souplement se glissent
dans l’écrire

Si le silence est toujours à l’affût dans les poèmes d’Anne-Marielle Wilwerth, comme rempart ténu au « vacarme des sources » qu’évoque François Jacqmin dans Les saisons, l’invisible lui aussi a son mot à dire. Porteur de ce qui ne se voit pas immédiatement, il est détenteur du secret, le pendant du silence aux prises avec l’arrogance de ce qui s’étale, se répand à la vue de tous. Déplier le silence face au tapage, dénicher l’invisible face à l’ostentatoire, voilà en somme ce que cherche patiemment Anne-Marielle Wilwerth dans l’écriture.

Sommes-nous les seuls
à voir le vol de l’infini
surtout lorsque le crépuscule
se met à voler lui aussi

Ce désir assigné à l’écriture, l’auteure le poursuit dans la seconde partie qui reprend le titre d’ensemble du recueil. Des miroirs qui masquent l’invisible, des images froissées dont nous sommes les jouets. Comment dévoiler l’invisible si ce n’est en restant à l’écoute du silence.

En poursuivant ce travail de déchiffrement qui ne peut s’opérer que par le dépli et le dévoilement, par le défroissement des tentures trop opaques,  Anne-Marielle Wilwerth épuise en quelque sorte le champ intime de ces deux horizons en nous en montrant le caractère essentiel, vital !

On marche sur le tapis du soir
avec pour amis
les miroirs reflétant
l’enjoué de nos désordres

Rony Demaeseneer