Claude DONNAY, L’heure des olives, M.E.O, 2021, 280 p., 20 €, ISBN : 978-2-8070-0296-8
« Les écrivains passent souvent pour des obsédés sexuels, à tort ou à raison, mais moi je n’écris rien… Je ne fais rien… je ne suis rien… Parfois je me demande si mon faux burn out n’est pas en train de muter comme un virus asiatique. » Tels sont les propos désenchantés de Nathan Rivière, « héros » de L’heure des olives, dernier roman de Claude Donnay.
En rupture de boulot suite à ce soi-disant burn out qu’il simule avec maestria depuis trois mois, en rupture d’épouse (ils vont divorcer par manque de cette belle complicité si précieuse et nécessaire lorsque les feux de l’amour risquent de se mettre en veilleuse)… En rupture aussi de sa belle-famille (conservatrice, riche et admiratrice inconditionnelle de Trump), que la nouvelle du prochain divorce satisfait plutôt vu le manque d’envergure que lui reproche aussi son ambitieuse (et provisoire) épouse… En rupture encore de l’écrivain qu’il a pu rêver d’être alors qu’il découvre un jour que son père vient de terminer un livre, ce qu’il était à mille lieues d’imaginer… alors que, mieux encore, la lecture du manuscrit lui révèle un texte excellent qui marie l’odyssée de migrants à la frontière franco-italienne avec une intrigue sentimentale entre le passeur et une jeune Irakienne…
C’est en acceptant un dérivatif proposé par sa sœur que Nathan a rencontré une certaine Alex(andra) Rakine dans le gîte-ermitage français de saint-Walfroy, proche d’Orval, avec qui il noue une amitié bientôt transformée en relation amoureuse au fil de rencontres ardennaises épisodiques. Alex est une femme très secrète qui parait en accord parfait avec la nature et avec ce lieu de ressourcement. Mais Rivière finit par découvrir qu’elle est aussi une menteuse à sa façon et qu’elle habite Paris (et non pas Reims) où elle codirige une maison d’édition en vogue, sous le pseudonyme passablement flamboyant, de Pénélope Verdurin. (pseudo hérité à la fois de La Recherche et non pas – précise l’auteur – d’Homère, mais de Pénélope Jolicoeur, fringante héroïne des Fous du volant, une série animée foldingue des années 1960).
Suite à un concours de circonstances qu’il contrôle mal, il propose la lecture du manuscrit de son père à « Pénélope/Alex » qui persuadée –sans être démentie – que Rivière (fils) en est l’auteur, décide de le publier… Le voilà donc prisonnier d’une chaîne de mensonges (à commencer par le burn out) qui ne sont même pas le fait d’un imposteur invétéré, mais plutôt celui d’un être invertébré dont l’attitude justifie douloureusement le désenchantement. Sans oublier un souvenir qu’il traîne comme une vieille casserole : le débordement sexuel imposé à sa sœur lors de vacances à Noirmoutier où les deux adolescents partageaient le même lit. Souvenir d’autant plus troublant que cette sœur qu’il aime sincèrement et qui le lui rend bien, n’a jamais réagi ni fait allusion à ce moment d’égarement dont il aurait aimé se faire pardonner.
Son désarroi est à son comble lorsque son père lui apprend qu’il a envoyé son manuscrit à un éditeur. Quant à Alex, elle lui paraît de plus en plus détachée de lui… Heureusement, la rencontre avec Ludmilla, une adorable et généreuse lesbienne, amie de longue date d’Alex-Pénélope, l’aidera à dénouer ce sac de nœuds. Ainsi viendra L’heure des olives. Celle où – dit-on – elles sont mûres et propres à une récolte, en l’occurrence plutôt miraculeuse…
Que demander de plus ? Si ce n’est déjà un peu trop… Mais Claude Donnay est avant tout un poète dont la vision positive des choses conditionne aussi le romancier.
Ghislain Cotton