Le temps suspendu des vacances

Iocasta HUPPEN, Maison d’été, ill. de Justine Gury, Partis pour, 2021, 68 p., 18 €, ISBN 978-2-9602004-7-8

huppen maison d'été                   Le jardin était d’orangers, l’ombre bleue,
des oiseaux pépiaient dans les branches.
Le grand vaisseau, tous feux allumés,
avançait lentement, entre ces rives silencieuses.
Yves Bonnefoy

L’errance et le voyage forment le matériau du ballast sur lequel s’appuie la ligne de fuite poursuivie par les éditions Partis Pour. Sans parti pris et avec le souci de proposer de beaux-livres, les éditions ont pour objectif d’embarquer le lecteur sur les chemins du monde à travers les itinéraires de femmes et d’hommes qui ont l’impulsion du départ rivée au corps.

Un blog, des photographies et des livres illustrés pour donner le tempo de ces « marins de Terre naviguant au gré des mots, des panoramas» comme le souligne la présentation du site. Vers les confins du monde ou plus près de (chez) soi, les voyages nous entraînent toujours vers cette liberté libre que chantait Rimbaud. Avec la Maison d’été de Iocasta Huppen, la destination importe peu, plutôt le rituel des vacances estivales que le récit aborde ici sous forme de journal poétique. Influencée par les formes de la poésie japonaise, l’auteure décline selon sept genres différents (haïku, senryu, etc.) le thème de cette période d’été que tout le monde attend. Par petites touches sobres et élégantes, l’auteure prend le temps, celui alangui du repos, pour observer avec minutie ces petits riens que la vie trépidante du quotidien nous empêche le plus souvent de voir. L’envol d’un papillon, le nombre de ballots de paille dans un champ, la branche sèche d’un chêne deviennent les étapes d’un ravissement éveillé empli de rêvasseries nourries d’une curiosité attisée par ce temps suspendu des vacances. Ce lieu de villégiature où parvient l’auteure, « quatre maisons et une grange », devenant, l’espace de quelques semaines, le centre préservé d’une réserve naturelle intime. La poésie faisant le reste, le temps d’une insouciance, les pensées dérivent vers cette « parcelle de ciel bleu » où s’évanouissent les bobos et tracas. Légère comme le vol d’une luciole, la poésie champêtre de Iocasta Huppen fait la part belle au soleil de juillet. Même si les images sont parfois convenues, on prend plaisir à virevolter entre les pages de ce recueil élégamment rehaussé par les illustrations de Justine Gury dont les motifs font penser à un herbier éphémère.

S’extirper de la ville,
Se mettre à l’abri
Là où les nuits ne véhiculent
Que les chants des grillons et des grenouilles,
Là où les nuits sont emplies d’étoiles,
Là où les nuits accueillent la chouette et son cri

Les formes brèves inspirées par la poésie japonaise sont ici des écrins choisis avec délicatesse pour dire tout ce que l’homme des villes a perdu et qu’il ne retrouve que le temps suspendu des vacances.

         Rony Demaeseneer