Petits tableaux en demi-teintes

Jean-Louis MASSOT, Abonné·e·s absent·e·s, ill. Ronan Barrot, Chat polaire, 2021, 55 p., 12 €, ISBN : 978-2931028-16-2

massot abonnees absentesAbonné·e·s absent·e·s. Le titre intrigue. Laisse entrevoir des attentes déçues ; percer une secrète mélancolie.

Jean-Louis Massot effleure des instants de vie en demi-teintes. Petits tableaux où s’esquissent ce qui est aujourd’hui et ce qui adviendra peut-être.

Celui-ci, assis sur son balcon, écoute monter jusqu’à lui les bruits de la rue, de la ville. Et perçoit parfois, lorsqu’il ferme les yeux, « les murmures d’une mer de nuages qui s’étend au-dessus des toits de la ville » (« Il »).

Celui-là, par les beaux soirs d’été, gagne une terrasse de café où il commande toujours deux verres de menthe à l’eau. Mais personne ne vient le rejoindre (« Menthe à l’eau »).

Cet autre entend désormais tourner le dos à une vie conventionnelle. Déserter le cercle « des poignées de mains polies, des formules toutes faites » (« C’était comme »).

Et voici que cet homme qui, incrusté dans la grande salle de la gare de son quartier, observe et compte matin et soir les navetteurs, se jette un jour sous un de ces trains de banlieue. (« Aller simple »).

On sourit à cette amoureuse silencieuse qui garde secrets ses élans (« Un désir »). À celle qui joue à la star devant son miroir, se donne la réplique, même si le temps de rêver est depuis longtemps passé et que dans ses yeux brillent des larmes (« Star, un peu »).

Et l’on se prend d’amitié pour ceux qui regardent le monde avancer sans eux, ne croient plus comme naguère à des temps meilleurs pour lesquels ils ont lutté, feignent d’en rire mais « tout au fond de ces rides qui ceignent leurs visages, tremblent des mots qu’ils ne voudront jamais prononcer » (« Les ours blancs »).

Un recueil attachant, où s’accordent tendresse et malice, de celui qui fut durant une vingtaine d’années l’éditeur des Carnets du Dessert de Lune qu’on n’a pas oubliés.

Illustré de tableaux expressifs de Ronan Barrot.

Francine Ghysen