Stéphane LAMBERT, L’apocalypse heureuse, Arléa, coll. « La rencontre », 2022, 175 p., 19 €, ISBN : 9782363082855
Il aura fallu à Stéphane Lambert écrire ce livre et lui donner un titre éblouissant L’apocalypse heureuse pour franchir des dizaines d’années d’attente, de souffrance et enfin s’emparer pleinement de sa vie.
Il se rend chez un thérapeute de renom dans l’espoir d’en recevoir l’absolution de son mal être. Ce n’est pas tout à fait un endroit choisi par hasard. Il connaît ce quartier de Bruxelles pour y avoir vécu dans son enfance. Il reconnaît aussi la maison où se trouve le cabinet médical, celle-là où il a été abusé par un ami de ses parents. Il va donc au devant de son passé car il mesure la force de sa longue imprégnation. Il se rend compte aussi du silence qui a entouré cet abus et se met à le reprocher à ses parents qui ne veulent pas le reconnaître. Il s’en veut à lui-même de s’être tu. Mais en rappelant ce tourment, il met au clair l’ensemble des problèmes. Ce n’est pas seulement cet abus dont il a été victime, il y ajoute la séparation puis le divorce de sa mère et son père. Une image le taraude et revient plusieurs fois sous sa plume, son départ de la maison familiale, alors qu’il est assis à côté de sa mère à l’avant du camion de déménagement et voit son père pleurer à l’étage. Sa mère et son père auxquels il exprimera son reproche jusqu’au moment où finalement il pardonne, par nécessité : il ne leur en veut plus et trouve en lui, longtemps après, la force non pas d’oublier, mais d’apaiser sa colère.
Ce très beau récit se module sur deux modes : la suite d’une évocation douloureuse qu’interrompent les évocations de l’écriture, une remise à jour, la réflexion totale sur soi, sur eux, et le ça. Ce sont aussi les moments magnifiques vécus sur une île grecque aimée. La réflexion se résout à l’écriture, difficile mais gagnée, sur les manques, le mal.
D’autres faits et écarts ou égards aident à éclairer l’embellie : la séparation d’avec le compagnon de vingt ans difficile mais résolue pour le moment, aussi un nouvel amour, avec incertitude. Mais tout cela finit en douce acceptation.
Un beau texte !
Jeannine Paque