Un amour au long cours

Myette RONDAY, Un héritage d’amour, Complicités, 2022, 196 p., 18 €, ISBN : 9782351204412

ronday un heritage d amourUn héritage d’amour. C’est le beau titre du dernier roman de Myette Ronday, bruissant de personnages tour à tour insolites et attachants ; brassant les époques des années 1940 à l’été 1996. Il vous réserve des surprises, des couleurs contrastées. Mais vous promet aussi des plages sensibles, aux résonances subtiles.

Telle notre première rencontre avec Mathilde, l’une des figures marquantes. 

Mathilde se pressentait d’ici et d’ailleurs. De maintenant et d’avant. D’ensuite, peut -être ? Supposition prudemment contournée.
La pensée l’effleurait qu’elle zigzaguait entre deux mondes. Tout entière ou en partie. Sans plus d’ancrage ni savoir quand et comment cette situation s’était établie. Aurait-elle pu, par inadvertance, passer de l’autre côté de la frontière ? 

Ou cette fine observation, prolongeant un regard attentif :

Il n’est pas exceptionnel qu’un bâtiment ou un objet ait une âme. Celui qui le construit doit y avoir mis beaucoup de lui-même, s’y être peu à peu dépossédé de ses rêves, de ses songes, de ses désirs mais encore de ses émois, ses colères, ses frustrations.
Comme dans un roman, l’auteur, d’une certaine manière, doit se dépouiller au profit de sa création pour renaître à nouveau. Ailleurs ou ici même. L’âme nue, éblouie comme au premier jour. 

Au cœur du livre palpite l’histoire d’amour entre Mathilde et Leni, « yeux si bleus », un soldat des forces d’occupation allemandes. De cet amour est née, en 1944, la petite Heide, appelée plus tard Agnès. L’autre présence vibrante du roman.

C’est Agnès qui découvre les lettres de Mathilde scandant sa passion au long cours, de son éblouissante révélation (« Je n’avais jamais imaginé que le bonheur puisse être si intense. ») à la violente amertume de la séparation lorsque Leni repart pour l’Allemagne : 

Je n’accepte pas ton « impossibilité » de continuer à vivre en France.  Ou plutôt, comme tu l’as écrit, de continuer à « t’éteindre » ici. 

Autour de ces deux héroïnes, l’autrice dessine quelques silhouettes qui nous deviennent familières.

Sans oublier la précieuse maison de poupées dont les pièces miniatures abritent des secrets.

Ni une enquête suite à la découverte d’un mystérieux squelette…

Les amateurs d’intrigues romanesques seront comblés.

Francine Ghysen