Philippe GELUCK, Je chemine avec… Philippe Geluck, Entretien mené par Sophie Lhuillier, Seuil, 2022, 192 p., 13 €, ISBN : 9782021507829
La collection « Je chemine avec … » des éditions du Seuil a pour ambition déclarée de présenter, sous la forme d’un dialogue avec des personnalités, « les étapes qui ont jalonné leur vie : les rencontres et choix décisifs, les joies ; mais aussi les moments de doute, les détours, voire les échecs, et de quelle manière elles et ils les ont surmontés. »
Philippe Geluck s’est prêté au jeu dans ce volume qui lui est consacré et qui remplit sans y déroger le cahier des charges annoncé. Il évoque avec tendresse son enfance dans une famille modeste, unie, où l’on vivait simplement tout en ayant l’essentiel, sans télévision ni voiture, mais où la culture occupait une place de choix. Communistes affirmés jusqu’à l’envahissement de Prague par l’URSS en 1968, ses parents n’ont eu de cesse de l’encourager dans ses choix. Ici, pas de quoi alimenter le mythe de la prédestination à une profession donnée : futur diplômé de l’INSAS, il s’est inscrit à des études de comédien alors qu’il avait également présenté et réussi l’épreuve d’admission aux études de metteur en scène et qu’il sévissait déjà bien avant comme dessinateur publié et exposé.
Son parcours restera placé sous le signe de la diversité, choix qu’il évoque comme un point d’équilibre et non de dispersion, une activité succédant à l’autre le plus souvent sur la même journée en guise de contrepoids. Ne serine-t-on donc pas aux indécis que qui trop embrasse mal étreint, que choisir, c’est renoncer … ? Philippe Geluck offre un contre-exemple à ces idées reçues, mais il avance des précisions : ses journées de travail commencent à 9h et se terminent à 19h, il marque une limite claire de temps et d’espace au-delà de laquelle sa vie professionnelle s’arrête. Et il revendique sa liberté de choix face aux propositions qui lui sont faites une fois le succès venu, avec pour critère final la perspective du plaisir de créer et d’un nouveau défi à relever. Sans oublier le souci continu de préserver une vie familiale et les relations d’amitié.
Si l’on passe en revue les activités qui l’ont rendu célèbre (essentiellement comme créateur et animateur en télévision, et bien sûr comme père du Chat qui a fait le tour du monde), force est de constater que le succès a été au rendez-vous au cours des quarante années écoulées. Pas de plan de carrière, mais des chances saisies, on ne se nomme pas Geluck pour rien. Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître qu’il n’a pas vraiment trouvé sa voie comme comédien, activité qui était son choix professionnel premier et qui lui a valu des opportunités qu’il rappelle utilement. Et comme le succès apporte tout à la fois l’admiration et les critiques, notamment celles qui ont entouré l’annonce du projet de musée bruxellois du Chat, il revient sur l’épisode pour en préciser les objectifs.
Et puis, célébrant le plaisir de faire réfléchir tout en faisant rire, il développe la philosophie qui le guide, faisant l’éloge du second degré, celui qui porte l’humour de qualité et ose tout sans négliger le respect, et dont il espère avoir fait sa carte de visite.
Si l’exercice des questions-réponses reste évidemment soumis à ce que l’interrogé veut nous dire, force est de constater que Je chemine avec Philippe Geluck esquisse un portrait intimiste en une conversation qui séduit par la sincérité du propos et le souci tant de modestie et de gratitude qui l’anime tout du long.
Thierry Detienne