Le chant de la fraternité

Éric ALLARD, La blessure du blé, préface de Philippe Leuckx, couverture de Claire Mériel, Cygne, 2023, 49 p., 10 €, ISBN : 9782849247174

allard la blessure du bléLe dernier recueil en date du poète Éric Allard, La blessure du blé, rend compte d’un double univers : celui de la disparition et, dans la même permanence, des désirs inextinguibles de notre présence ici-bas. Dans un langage qui devient, de recueil en recueil, la langue originale de l’auteur, il nous laisse entendre la chanson de la mélancolie joyeuse.

Le poète est habité surtout par la sanctification de la puissance de la grâce d’aimer ce monde quoi qu’il advienne. Nous pauvres humains faisons parfois presque ce qu’il faut pour lui rendre hommage. Cette forme de disparition de l’innocence est souvent la trace dans notre humanité.

Éric Allard chante, dans des vers à peine douloureux mais toujours frappés par la béance de la disparition, l’inéluctable retour aux sources de notre existence comme la blessure du blé qui témoigne de la négligence portée à notre environnement et à l’avenir de l’homme.

Dans une prosodie finement travaillée, on reconnaît la voix de celui qui aime autant l’humour que la causticité roborative. Les vers de ce recueil font entendre des micro-frictions autant que des désastres intimes :

Un jour je marcherai avec une canne et un chapeau !
Je n’aurai plus peur de rien
car je saurai que je vais mourir.

Et cette occurrence toute simple fait de ce recueil une confession pudique et une déclaration lucide de l’homme qui voit plus nettement ses échéances. En ce sens, La blessure du blé est un véritable tournant dans l’œuvre d’Éric Allard.  Le recueil témoigne autant de l’enfance – et comme il sait la chanter – que de notre disparition en des nuages  lointains.

Dans le recueil de la chambre noire de la mémoire, qui sans cesse se reconstruit au fil des jours et des nécessités mémorielles, le poète cesse de s’agiter, de combattre les fantômes, de parler aux morts ; au contraire il leur tend la main et magnifie les embrassades des vivants et des morts comme un des actes les plus essentiels.

Les parades n’ont plus lieu, les masques tombent, les regards se tendent, chaque lieu de l’enfance est réoccupé comme le langage qui s’y est construit peu à peu.

Éric Allard mène son œuvre entre aphorismes, poèmes etcourts récits et témoigne d’une vivifiante alacrité associée à une tessiture poétique singulière qui fait de chaque poème de ce recueil une méditation en forme de chanson fraternelle

Que le temps m’abreuve
de ses cycles de l’aube
si le fleuve du sens s’écoule
dans la mer aux lumières !

Cette mer aux lumières est le « hors scène » de l’homme contemporain, et Éric Allard frappe ici chaque poème de ce recueil du sceau d’une maturité joyeuse et sans illusions perdues.

Dans sa préface, Philippe Leuckx célèbre finement la richesse de la langue et des visions du poète de Jumet.

Daniel Simon

Plus d’information