Disponibilité québéco-poético-photographique

Dominique MAES, Chroniques poétiques d’un voyage à Montréal, Murmure des soirs, 2023, 192 p., 22 €, ISBN : 9782931235089

maes chroniques poetiquesLa beauté d’un voyage réside parfois moins dans le lieu où l’on séjourne que dans la mise en disponibilité qu’il offre. Partir (plus ou moins) loin, s’extraire du quotidien enveloppant, quitter quelque temps ses repères spatiaux et humains, se confronter à l’inconnu force à (se) découvrir. Et quand l’équipée se joue en solo, les sensations s’en trouvent souvent exacerbées. C’est cette drôle d’expérience qu’a vécue Dominique Maes et qu’il relate à travers ses Chroniques poétiques d’un voyage à Montréal, ville dans laquelle il a gagné l’opportunité d’une bourse littéraire.

Dès le début de l’aventure, même si l’excitation est bel et bien là, certaines appréhensions poignent. Il y a cette solitude qui traverse, de légers doutes sur le bien-fondé d’un tel déplacement, une vague tristesse d’avoir à quitter les siens (qui vont, de leur côté, continuer sans vous). Mais tout de suite, ce cap évident, qui se rappelle avec insistance : « Qu’à cela ne tienne : vous allez écrire pour reprendre du poil de la bête. N’êtes-vous pas venu pour cela ? » Et pour écrire, quoi de mieux que d’aller à la rencontre des lieux et des gens en se promenant ? « Et les mots dansent tandis que vous marchez. Vous écrivez pour vivre. Vous vivez pour écrire. »

Le carnet de route qu’a tenu Maes durant sa résidence commence le 30 avril et prend fin le 31 juin (date poétique) 2023. Chaque jour, l’artiste a photographié un petit bout de Montréal (des endroits, des inconnus, des scènes de vie, des objets, des incongruités, des amis, des bâtiments, des moments) et a accompagné l’image captée d’un texte (états d’âme, réflexions existentielles, traits d’humour, anecdotes, réminiscences, prises de position, vagabondages intérieurs). Ainsi, le lecteur a loisir de lui-même voyager au sein de ce livre, d’y trouver des clichés divers et des tonalités variées, de s’acclimater, de sourire, d’apprendre, de s’enthousiasmer, de s’interroger, de se laisser emporter par les pas et la langue de Maes. D’ailleurs, ce dernier s’amuse aussi, tout en tendresse et gourmandise, avec celle entendue sur place et l’intègre sciemment à sa parlure : « Effaçons toutes les frontières, libérons nos interjections, nos métaphores, nos mots d’amour. Il faut rouvrir nos oreilles et nos p’tits cœurs endormis, pour permettre à notre langage de nous offrir toutes ses images. » Un enthousiaste appel au décloisonnement, applicable à bien d’autres aspects de la vie, non ?

Samia Hammami

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