Fééries démoniaques

Cindy VAN WILDER ZANETTILes fééries d’Eshad, Scrineo, 2024, 413 p., 18,90 € / ePub : 6,99 €, ISBN : 978-2-38167-190-1 

van wilder les feeries d eshadDans un monde bipolaire où les puissants Esharis vivent de l’exploitation des cristaux et asservissent le peuple des Arcanes, Arazia rencontre son destin. Riche de son Talent, celui de pouvoir générer les émotions par la magie, mais amnésique et sans famille, iel jure de se libérer du joug de l’empire eshari pour retrouver la mémoire et la liberté. 

Accrochée dans sa barbe, une pierre qui, jointe à ses trois autres éléments, confère la puissance à celui qui les détient. Encore faut-il faire preuve de sagesse lorsqu’on les manipule. Illusoire si l’on est Eshari. A fortiori si l’on est membre de la famille Harringwood, à la tête de l’Empire, prête à tout pour rassembler les quatre précieux éléments qui la rendront omnipotente.

Arazia est escorté·e d’une clique loyale et disparate, aux Talents complémentaires et à la détermination sans faille. Théo fait sourdre l’eau ; Cendre génère et maîtrise le feu ;  Yanaël et Ernst ajoutent leurs forces, indispensables pour déjouer les obstacles et la perversité de l’Ennemi. Ensemble, ils sont envoyés de force aux Fééries d’Eshad. Les spectateurs esharis s’y réservent le droit d’affranchir les magiciens arcanes les plus talentueux. Un chapiteau très convoité donc, lieu d’enchanteurs et extravagants spectacles mais d’où, cyniquement, on ne revient jamais.

Au cœur de cet écheveau, une phrase lancinante, un sentiment de culpabilité diffus et le gouffre de la solitude. Arazia doit trouver les ressources au fond d’iel-même pour se libérer de ses chaînes et retrouver son alter ego, celle par qui tout a commencé, sa sœur chérie dont le souvenir lui revient par bribes… 

Cindy Van Wilder Zanetti nous revient avec une aventure haletante au style vif et direct destinée au public jeune adulte et qui renoue avec la fantasy des succès de de Terre de Brume et des Outrepasseurs. On y retrouve les thèmes chers à l’auteurice – tolérance, solidarité, quête de soi et refus de l’injustice -, comme son exigence militante de la langue inclusive. Au cœur du roman, Arazia, personnage non binaire, suscite méfiance et dégoût chez les Esharis. Mais fort du lien de ses ami·es, être soi-même est possible : Arazia  se nourrit de leur confiance et de leur dévouement, croit en iel et en son Talent libérateur.  

En tête de chapitres, on lit des extraits de mémoires de l’Empereur ou de témoins des conflits qui opposent les deux peuples et livrent au lecteur, en filigrane, le projet eshari. Une réflexion bien ancrée, elle, dans notre contemporanéité et qui nous renvoie aux dangers de l’obscurantisme :

Figurez-vous que les Arcanes, bien loin d’imaginer la Terre plate comme nos scientifiques l’ont déterminé, se la figurent telle la couche d’un gâteau, qui en comporterait mille au final, autant de mondes nouveaux qui cohabiteraient avec le nôtre ! N’est-ce pas là une idée digne de leurs esprits reculés ? 

Le lecteur aura tout le loisir de méditer sur le glaçant projet eshari : diviser et terroriser pour mieux soumettre puis lisser les différences pour asseoir sa puissance.

Caroline Berger

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