Éric THÉRER et Benjamin MONTI, Ping-pong, Eastern Belgium at night, 2015, 300 p., 8 € ; ORDINAIRE (Éric THÉRER et Stéphan INK), Le temps qu’il fait, CD, les éditions Eastern
Décédé en 2014, Bernard Heidsieck, immense poète, n’est décidément pas près de sombrer dans l’oubli. Tant mieux tant mieux. C’est que, de son vivant, il n’arrêtait pas de faire des petits, le bougre, d’inspirer du monde dans les parages de la poésie sonore et de la poésie action. Dans les parages d’une poésie qui, hop !, décide de sortir littéralement de la page, d’user de tous les moyens techniques et technologiques pour se faire entendre en performance, sur scène, hors des recueils, dans des formes totalement étrangères aux canons classiques. N’hésitant pas, par exemple, à utiliser des langues et des manières de faire issues de nos écrits et usages les plus quotidiens : lettres administratives, relevés bancaires, infos diffusées à la radio, etc. C’est que, de son vivant, Bernard Heidsieck n’a eu de cesse de créer, à partir de ces langues a priori « déshumanisées », a priori à mille lieues du « frisson poétique », des objets lumineux et jouissifs, à lire, voir et entendre, des objets drôles et critiques, éminemment en prise sur leur époque. Usant, par exemple, lui, le banquier, des langages économiques pour tirer sarcastiquement le portrait du monde contemporain. C’est que, de son vivant, Bernard Heidsieck aura été l’un de ceux qui n’auront pas cessé de « bidouiller », superposant, par exemple, sur scène voix enregistrées et voix « live », composant directement ses poèmes sur magnétophones plutôt que sur papier. Ouvrant ainsi la voie à bon nombre de « poètes performeurs » actuels. Continuer la lecture →