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La psychanalyse à l’écoute de la poésie

Pierre MALENGREAU, L’interprétation à l’œuvre. Lire Lacan avec Ponge, La Lettre volée, coll. « Essais », 2017, 236 p., 23 €, ISBN 978-2-87317-495-8

malengreau_l interpretation a l oeuvreComme Sigmund Freud et Jacques Lacan, de nombreux psychanalystes proclament leur modestie devant les œuvres littéraires, du moins les plus fortes, de Sophocle à Duras en passant par Shakespeare : c’est elles, disent-ils, qui sont de nature à leur montrer la voie, et non l’inverse. Tel est précisément le postulat de Pierre Malengreau devant les textes de Francis Ponge, dont l’étrange concept de « réson » fut adopté en 1966 et 1972 par Lacan. Ce dernier, à l’époque, veut repenser sa doctrine de l’interprétation basée sur la « résonance sémantique« , autrement dit sur la polysémie des mots : il a constaté que, dans la pratique psychanalytique, elle aboutit souvent à un blocage dans le chef du patient. Il fallait donc veiller à susciter autre chose que du sens, ménager une place à cette « résonance asémantique » que désigne le néologisme pongien. Celui-ci vise un usage de la langue qui s’attache moins au sens des vocables qu’à leur matérialité sonore et graphique, avec l’impact qu’elle peut avoir sur l’oreille ou le regard, c’est-à-dire sur le corps. Un texte ne saurait rendre compte d’un objet extérieur s’il n’atteint à la « réalité » dans son monde à lui ; pour cela, il faut que les mots et les phonèmes « aient au moins une complexité et une présence égales, une épaisseur égale » aux objets dont ils parlent (My creativ method). L’étymologie est claire : issue visiblement du latin res, la « réson » est cette dimension par laquelle mots, lettres et sons, en leur qualité de choses concrètes, peuvent toucher le lecteur sans en passer nécessairement par la signification. Continuer la lecture