David GULLENTOPS, Émile Verhaeren inédit, Bruxelles, VUBPress, 2015, 215 p., 25,95 €
L’abord d’un poète par la description de son imaginaire précipite le risque de sa méconnaissance puisqu’elle facilite la représentation versificatrice, naturaliste et sentimentale du poète et de la poésie. Le refus de cet apriori nous met face à la question : quelle pensée dans la poésie ? Car pensée il y a, d’autant plus forte qu’elle n’est pas conceptuelle, qu’elle donne, comme toutes les approches artistiques, une autre forme de pensée. Autour des années soixante du XXème siècle, le renouveau critique éclatant avait fait de grands pas dans cette recherche de la pensée d’une forme avant que les restaurations traditionnalistes ne la recouvrent de leurs prétentions pseudo-scientifiques et pseudo-littéraires. Le meurtre du questionnement par la biographie monologique est ainsi suivi ou accompagné de la cérémonie funèbre de l’essai stylisé. D’où le retour de l’académisme « humaniste » dont les noms d’Antoine Compagnon ou de Tzvetan Todorov sont aujourd’hui d’autant plus les coupables à désigner qu’ils se paraient des percées de la Nouvelle Critique ou des Formalistes Russes. Le symptôme le plus scandaleux de cette situation apparaît dans la réduction de l’auteur des Essais critiques et des Éléments de sémiologie, Roland Barthes, à la figure d’un « anti-moderne », miniaturisé, à la manière des Jivaros plus que du XVIIIème, dans ses Fragments d’un discours amoureux quand ce n’est pas dans le journal intime du deuil de sa mère… Continuer la lecture