Thierry DETIENNE
Voilà un petit livre singulier d’une trentaine de pages à peine, mais d’une rare densité. Il est le fruit d’une démarche insolite menée par l’auteur qui a recueilli les récits de personnes âgées en milieu rural et en a fait de courts écrits conçus initialement pour le théâtre.
Ces six textes brefs sont un condensé d’humanité. Au départ d’histoires entendues, l’auteur nous dit qu’une grand-mère au seuil de la mort fait appeler son petit-fils et lui demande la faveur d’être conduite près d’un petit lac qu’elle aimait, et ils se remémorent de bons moments passés ensemble. Ailleurs, un homme retrouve après plus de soixante ans une femme qu’il a aimée jadis et qu’il vient demander en mariage, et ils échangent sur le temps suspendu sans trop se décider. Puis un autre tente le même rapprochement, mais se fait doucement éconduire car il est de la colline et elle du causse. Une jeune femme vient accompagner un vieil homme à l’esprit embrouillé qui mélange passé et présent, et elle accepte de l’entendre avant de partir pour la maison de repos. À la veille de son anniversaire, une centenaire avoue sa crainte de voir défiler les siens et son désir plus fort que tout d’avoir la paix. Ou encore, cet homme qui écrit à son arrière-petit-fils et qui lui confie une histoire qu’il n’a jamais racontée à personne, celle d’un jeune garçon dont il avait sauvé la vie alors qu’il était soldat. Ces récits, d’une rare simplicité, ont la force des confidences que l’on fait lorsque l’on ne redoute plus rien, que l’on n’attend plus grand chose et que le temps est compté. Ils rayonnent de la sérénité de ceux qui se retournent une fois arrivés au sommet de la colline, en mots déliés, sous le jeu de l’évidence. Ce texte est l’œuvre d’un auteur qui est décédé lui-même en juin 2014 et qui laisse derrière lui un impressionnante œuvre dramatique.
- Éric DURNEZ, Les maisons natales, Carnières, Lansman, 2014, 39 p., 9 €