Jean LOUVET, La souffrance d’Alexandre, Lansman, 2014, 36 p., 9 € ; Une soirée ordinaire, Carnières, Lansman, 2014, 38 p., 9 €
Dans les deux pièces, La souffrance d’Alexandre et Une soirée ordinaire, Jean Louvet met en scène des couples qui s’interrogent sur le monde et sur eux-mêmes. Il fait état d’une société en crise. Certains personnages sont en pleine détresse personnelle, tandis que d’autres doutent de leur couple ou commentent la période de récession économique et la misère sociale grandissante. À quand la grande révolution qui nous sortira de cette indifférence ambiante ? C’est la faillite des grands idéaux.
Dans La souffrance d’Alexandre, Alex et Brigitte s’apprêtent à partir en week-end avec des amis. Alex livre au lecteur son mal-être. Il se sent étranger à lui-même, invisible aux yeux des autres. Il aimerait tout plaquer, s’enfuir. Le week-end semble compromis. Les amis s’en mêlent. Alex ferait-il un burn-out ? Il parle parfois seul. Est-il schizophrène ? Alexandre étouffe dans ce monde d’égoïstes où il a dû jouer au clown pour exister. Tous, en ersatz d’hommes, ils traversent leur petite existence, hébétés, sans un mot ni un regard pour les autres. C’est l’homme qu’il faudrait changer, pardi ! Mais toutes ces bonnes résolutions ne vont-elles pas vite être abandonnées une fois retrouvés le calme et le bonheur d’un week-end entre amis ?
Dans Une soirée ordinaire, trois couples d’anciens militants se retrouvent. En attendant leurs amis, Jeanne et Julien se voient obligés de discuter, leur feuilleton télévisé préféré n’étant étrangement pas diffusé ce soir-là. Mais que peut-on se raconter après tant d’années ? Retardés par l’inauguration d’un grand magasin, Franck et Anne arrivent. Ces derniers font l’éloge de l’antre de la consommation. Mais Franck n’a-t-il pas trop consommé ces derniers temps ? Il ne manque plus que Céline et François. Ce dernier est étrange ces temps-ci. Il s’isole de plus en plus. Céline s’interroge : est-ce son couple qui dérive ou son homme ? Il est loin le temps des cerises…
Jean Louvet, en parfait analyste des relations humaines, fait se succéder monologues et dialogues qui se rapprochent du monologue tant le langage de sourds y est présent. À travers ses personnages, il déconstruit le langage pour goûter davantage à la saveur des mots et à leur poésie.
Émilie Gäbele