De l’amour vers le désamour

Un coup de coeur du Carnet

Aliette GRIZ, S’éclipser, Amay, L’arbre à paroles, coll. « if », 2015

grizOn aurait envie de penser, en lisant S’éclipser, le premier recueil d’Aliette Griz, qu’il renoue avec une certaine tradition de l’écriture à contrainte, tant le propos parait construit autour d’un jeu. L’ouvrage, en effet, évoque au travers de nombreux textes, une thématique somme toute classique : celle de l’amour, ici traitée avec originalité puisque l’auteure n’hésite pas à utiliser les mathématiques pour écrire son texte. Une démarche explicitée à la page 31 du recueil :

 […] tu n’étais qu’un homme comme un autre, j’étais vexée, c’était absurde de te juger, absurde tout ce décompte sans chronologie, je n’étais pas tout organisée pour t’aimer, quand on aime ne compte pas. Mais je comptais. Je comptais les jours, un peu tout le temps, je me souvenais des jours passés ensemble, je comptais les coups ou séparément, et pour chaque jour, j’avais comme un petit résumé de l’amour vers le désamour.

S’éclipser se lit comme on lit un journal, où les jours sont comptabilisés et forment ainsi les titres de chacun des courts fragments poétiques. (Huit : « Tu faisais de la place dans ton agenda, tu balayais les contraintes pour m’éteindre, tu étais le plus attachant et le moins attaché, la huitième nuit, j’avais rêvé de toi »). Deux temporalités structurent le récit en alternance : le présent de l’histoire sentimentale et le présent de la rupture ; les réminiscences joyeuses de l’amour font ainsi écho à la tristesse du désamour, avec pudeur et tendresse. D’un texte à un autre se dessinent des moments de bonheur, d’affection, de larmes – parfois haineuses – de pleurs: la narratrice se livre, s’étend sans se rependre. Le texte a su se trouver un rythme notamment par ces virgules, peut-être plus nombreuses que nécessaires, qui modèrent le récit. Et grâce à une écriture juste, sans fioriture, allant à l’essentiel, Aliette Griz donne un équilibre à la narration de ses sentiments.

Aussi si S’éclipser n’ouvre-t-il pas une nouvelle ère poétique, il fait bien plus que prouver que finalement que mathématiques et littérature peuvent être complémentaires… Un recueil à découvrir !

Primaëlle VERTENOEIL