Marc MEGANCK, Si tu m’attends je vais changer ta vie, Léchelle, Zellige, coll. « Vents du Nord », 2015, 192 p., 19.50 €
« Les histoires d’amour passent et avec elles s’en va notre candeur. » C’est par cette triste affirmation, dont l’éternelle ingénue que je suis validera la première moitié sans pour autant acquiescer à la seconde, que s’amorce le neuvième projet de Marc Meganck.
Le roman est divisé en trois temps. Le premier, au titre éponyme, retrace, à la première personne, la lente déchéance d’un amour enclenché pourtant par une affirmation immédiate : « si tu m’attends je vais changer ta vie ! » Du tutoiement le protagoniste passe, dans les derniers échanges avec sa compagne, au vouvoiement polaire, mutation subtile d’une ligne à l’autre évoquant sans mal ce qu’il reste parfois d’un binôme lorsque l’amour s’en est allé : des étrangers.
Je ne comprends plus votre langage. Vous êtes redevenue une personne de la masse, quelqu’un que l’on vouvoie par pure étiquette, pour respecter la formule. Un être parmi d’autres, qui participe au petit bouillonnement terrestre.
La suite annonce la rencontre avec Anna Anakowska, beauté inédite au patronyme évocateur, avec l’ivresse mal contenue et les premières craintes dévolues à la passion naissante. Cette partie, comme toutes dans l’ouvrage, est ponctuée par des échanges, de visu ou épistolaires, avec le vieil André, l’éditeur, le confident et l’oreille de toujours.
Le second volet du roman, « Elle portera, tu supporteras », évoque, à la seconde personne, les sentiments divergents et contradictoires, les émotions par paliers à l’idée de l’enfant à venir. Il faudra que le protagoniste s’isole pour pouvoir s’interroger, se préparer, faire face enfin.
La fin des voyages. Cette menace est celle qui t’effraie le plus. Devenir statique. Ne plus bouger. Tu construis une cabane pour ne plus te sentir prisonnier.
La dernière partie, « Le temps autrement », dépeint enfin, à la troisième personne – celle de la distance – une temporalité réinventée, différente, finalement, de tout ce qu’auront pu en dire les autres, les parents, ceux qui savaient déjà.
Même à trois, ils sont deux.
L’auteur avait déjà été à l’initiative de romans, de polars et de nouvelles bien de chez nous, au sens large de l’expression. De l’inédit, de l’innovant, vous n’en trouverez pas vraiment dans cette histoire. Les réflexions, somme toutes communes, sont sans doute celles que l’on se ferait tous à la croisée des grandes étapes. Le tout se déroule dans des décors bruxellois bien connus, du boulevard Anspach aux bistrots sans prétention de Saint-Gilles. Si vous êtes dès lors en quête d’échos, de résonances, ce livre est fait pour vous.
Victoire de CHANGY