Une sacrée glissade

Françoise FAVRETTO, L’Arrachoir 2, St-Quentin-de-Caplong, Atelier de l’Agneau, 2015, 64 p., 14 €

Au long des douze récits et nouvelles qui nous emmènent sans nous précipiter, nous changeons de sujet. Du brouhaha d’une classe de lycée à la révolte et la fuite en douce d’une jeune Afghane, d’un théâtre improbable à l’absurde recherche d’alibi d’un faux meurtrier, ou ailleurs encore. Et par exemple dans ce couloir où le tas de courrier non relevé a pu faire déraper les gendarmes qui forçaient la porte d’un solitaire présumé mort. Rien de tragique cependant dans ce livre léger de Françoise Favretto qui fait suite à un premier volume publié en septembre 2012. Ce sont des herbes un peu sauvages certes que l’auteure sarcle, déracine à l’aide de son outil, de celles qu’on aurait pu ignorer en passant, tête en l’air, mais qui sont souvent fleuries et odorantes. Il faut une réelle attention au monde pour les apercevoir et beaucoup de délicatesse pour les cueillir et les offrir.

Il n’y a pas davantage de coquetterie ni d’effets de style pour les faire valoir, ces perles qui brillent d’elles-mêmes. S’intéresser au monde, c’est bien ce que nous enseigne ce petit volume, sans aucun didactisme évidemment. Les scènes subtiles sans complication toutefois font vivre des gens, une société, mine de rien ; sans guère d’indication géographique ou temporelle, mais avec suffisamment de précisions pour les rendre vivants, plausibles et surtout vraiment proches. Certains sont effacés, humanitaires discrets, dans l’attente de visiteurs qui ne passent pas. D’autres choisissent le mensonge par omission, mais aussi par générosité. D’autres encore avouent leur désir de violence et bientôt nous persuadent qu’il est là, tapi en chacun de nous, même si nous n’avons pas toujours une pierre à la main. C’est l’indifférence qu’il faut briser et non les vitres ou les voitures, c’est l’absurdité des situations incontrôlables qu’il faut déjouer. Ce que fait  avec talent et efficacité Françoise Favretto, dans ces vignettes qui parfois évoquent des situations extrêmes alors qu’elles se déroulent en toute simplicité et selon une allure familière.

Jeannine PAQUE