Portrait de femmes avec leurs désirs

Valérie COHEN, Monsieur a la migraine, Avin, Luce Wilquin, 2015, 158 p., 16€

511blogDepuis son entrée en écriture, Valérie Cohen a dédié ses talents à la gent féminine et à ses histoires, qu’elle raconte en toute sympathie, avec tendresse et humour. Un humour empathique très différent de celui, ravageur, du stand-up ou de celui, sarcastique, du one woman show (même si le titre de son nouveau roman, Monsieur a la migraine, pourrait laisser penser qu’elle officie dans ce registre-là).

Dans son précédent roman, Alice et l’homme-perle, elle narrait la retraite de sexagénaires dans une résidence de nouveau genre. Dans Monsieur a la migraine, ses héroïnes, du deuxième âge, s’interrogent sur leur sexualité et la forêt qui se cache derrière cet arbre : la vie qu’elles mènent et qui les a emmenées dans le gris plutôt que l’azur. La vie comme un poids lourd, lestées qu’elles sont d’un mari aimant à la libido au point zéro (Noémie) ; d’un divorce, de quatre enfants et de brèves rencontres factices (Julie) ; d’un mariage toxique longue durée et de plaisirs feints (Anna) ; d’un ex-amant latino manipulateur, castrateur et inoubliable (Lucia). Pour redonner allant, envie, légèreté au cours de leurs jours, elles enclenchent un processus salvateur. Elles se tournent vers Patrice Denis, un sexothérapeute qui se définit comme architecte du désir (une appellation que l’auteure emprunte à Julie Van Rompaye, fondatrice de l’Académie des Arts de l’Amour) et s’inspire des méthodes du développement personnel. Au cours de quatre séances collectives d’une « Initiation aux secrets d’une sexualité épanouie », elles tentent de se découvrir, aux autres, à elles-mêmes. De mettre des mots sur le silence, l’enfoui, les habitudes, les souffrances. Avec des larmes, des rires, des doutes, avec l’amitié qui naît entre elles, en quelques semaines, leur vie va se déverrouiller, se dégeler, se délester ; retrouver plaisir, sève et vitalité. On peut douter que hors ces pages, tout se passe si vite et si favorablement, mais nous sommes dans une fiction dont le but est d’apporter de la quiétude à ses lecteurs/lectrices, de l’aveu même de l’écrivaine : « Je suis attachée à l’idée d’inventer et écrire des récits qui font du bien ». Et elle y réussit. Pour notre plus grand plaisir.

Michel ZUMKIR