Mohamed BARI, Le prince d’Arabie, Carnières, Lansman / CTEJ, 2015, 36 p., 9€
Au pays strict, règnent l’ordre et l’autorité. Y dominent aussi la police qui sévit, la censure, la domination masculine, l’oppression des femmes, la répression… Au pays strict, il est interdit de se plaindre, les enfants ne rient presque pas, la radio passe continuellement la même chanson, les fils doivent exercer le même métier que leur père. Certains papas sont mystérieusement partis « en voyage ».
C’est le cas du père de Malik. Sa mère ne pouvant incarner l’autorité, Malik se voit porter le chapeau rouge. Mais ce dernier ne s’en soucie guère. Il préfère regarder les six princesses, les jolies filles du voisin Brahim et leur conter fleurette. Il rêve qu’un cheval arabe le prenne sur son dos et qu’il enlève les jeunes filles. Mais les rêves ne sont pas vus d’un bon œil. L’imposant Brahim, qui se revendique citoyen modèle et ne se prive pas de dénoncer faits et gestes étranges à la police, n’aime pas trop que Malik lorgne sa progéniture. À trop s’approcher, le jeune garçon finit par se faire prendre par Brahim qui l’enferme dans son poulailler. Voilà le pauvre Malik forcé de tuer et déplumer six poules par jour. Mais son petit frère n’a pas dit son dernier mot. De même que sa mère et les voisins. Peu à peu, la colère du peuple se met à gronder, à grandir.
Cette pièce, inventive et non dénuée d’humour, permet d’évoquer et d’expliquer la dictature auprès du jeune public. Sans être moralisateur, Mohamed Bari raconte comment un peuple peut finalement se révolter contre un pouvoir injuste et arbitraire. Des régimes autoritaires continuent à sévir un peu partout dans le monde. Le Prince d’Arabie y fait référence, ainsi qu’à quelques célèbres Printemps. Il est important d’expliquer aux enfants quelles injustices la dictature entraîne, notamment la censure des médias ou encore l’interdiction aux femmes d’être maîtresses de leur foyer, et de leur donner les clés de la démocratie. Aidé de ses marionnettes, le raconteur recrée tout un univers, un quartier d’une ville balayé de fils à linge. Le texte et la langue sont dynamiques et très vivants, les interactions avec le public/lecteur constantes. Le Prince d’Arabie, qui n’est pas la première pièce de Mohamed Bari, a été créé en 2013 à l’Espace Magh.
Émilie GÄBELE