Un roman en forme de puzzle

Jean-Sébastien PONCELET, La tendresse des séquoias, Neufchâteau, Weyrich, coll. « Plumes du Coq »,2016, 508 p., 20 €

ponceletAvez-vous déjà senti, respiré la force et la douceur d’un arbre que vous étreigniez, avec la certitude d’être à votre juste place dans le monde ?

C’est sur le souvenir ineffaçable de ce moment presque mystique que s’ouvre – et s’achève – le roman de Jean-Sébastien Poncelet La tendresse des séquoias.

Ne vous y trompez pas : entre ces instants suspendus, d’une intime plénitude, d’une mystérieuse communion, l’auteur vous emmène insensiblement par des chemins tortueux, cernés d’ombres inquiétantes.

Le cadre : Bruxelles.

Les personnages principaux : Charles Letellier, critique d’art redoutable, expert en pamphlets au vitriol, qui n’hésite pas à pulvériser un talent, s’il risque de porter ombrage à ceux qu’il soutient et défend depuis longtemps. Doublé d’un homme d’affaires sans scrupules, voire d’un escroc de haut vol.

Sa fille Laura, adolescente brillante, insolente, réfractaire à toute autorité, qui ne trouve sa place ni au lycée ni dans le luxueux nid d’aigle où elle vit, à contrecœur, avec ses parents. S’échappant dès que possible pour rejoindre sa grand-mère, son unique confidente et tendre refuge.

Le journaliste Maxime Peeters, qui a choisi par conviction un métier qu’il savait depuis le début extrêmement exigeant, et que son rédacteur en chef vient de charger d’une enquête insolite.

J’ajouterai l’artiste suisse Felice Varini, même si nous ne le rencontrons pas, car ses œuvres très personnelles, à la fois ludiques et rigoureuses, semblent avoir inspiré les étranges motifs géométriques tracés à la peinture noire, en l’espace d’une nuit, sur les façades d’une cinquantaine de maisons, dans un quartier tranquille de Watermael-Boitsfort qui n’avait jamais connu pareille agression.

Pur vandalisme ? Volonté de transmettre un message caché au creux de cette immense floraison de tags énigmatiques, ce gigantesque puzzle qui, pense Maxime, envoyé sur les lieux, serait déchiffrable à partir d’un endroit précis, qu’il importe d’identifier.

Nous le suivons, attentif et tenace, dans ses recherches, ses investigations, ses réflexions, stimulées par les intuitions précieuses de son inséparable compagne Marie. (« Ils étaient chacun l’âme de l’autre. Comment vivre sans âme ? ») Apprenons, à travers mille péripéties, à connaître les protagonistes, leur passé parfois tourmenté, leurs attentes, leurs épreuves – dont, pour l’un, une vertigineuse descente aux enfers.

Jean-Sébastien Poncelet déroule ses intrigues, souvent complexes, avec le plaisir de conter, de surprendre, de tenir en haleine, mais aussi le goût des descriptions minutieuses, une gourmandise des détails allongeant le voyage qui, resserré, eût gagné en force et en densité.

Francine GHYSEN