« Les dessous chics… »

Pilar PUJADAS, Cœur croisé, Mercure de France, 2016, 136 p., 13€/ePub : 8.99 €

Les dessous chics, c’est ne rien dévoiler du tout, se dire que lorsqu’on est à bout, c’est tabou. En 1983, Birkin interprétait les mots vertigineusement justes de Gainsbourg, dans Les Dessous chics. Quelque trois décennies plus tard, Pilar Pujadas donne une étoffe littéraire à la lingerie, autour d’un énigmatique Cœur croisé. Ce sous-vêtement, d’un rouge arrogant, trouvé et observé tour à tour par cinq femmes, s’avère en effet la source d’émois inattendus.

Confrontation 1, Les dessous chics, c’est une jarretelle qui claque dans la tête comme une paire de claques. Pour Déborah Sanchez, modeste femme d’ouvrage, le soutien-gorge est un camouflet professionnel infligé lorsque, dans une vie antérieure, elle prenait des galons en tant que préposée à la sécurité dans un aéroport. Confrontation 2, Les dessous chics, c’est se garder au fond de soi, fragile comme un bas de soie. Le bikini cramoisi de Marie-France, alors mère de famille tranquille au quotidien aussi satisfaisant que plat, acte dans son histoire personnelle un moment brûlant d’audace et de fêlure. Confrontation 3, Les dessous chics, ce sont des contrats résiliés qui comme des bas résillés ont filé. Muriel, quant à elle, a gagné en puissance et perdu en indépendance à l’instant où elle s’est livrée à un jeu de clichés avec un triste sire qui n’hésitera pas à contourner les règles de la partie. Confrontation 4, Les dessous chics, c’est des dentelles et des rubans d’amertume sur un paravent désolant. Ève, la femme du péché originel, des coups de canif, des tentations de dupes, revêt ce tissu empreint de séductions empoisonnées. Confrontation 5, Les dessous chics, ce serait comme un talon aiguille qui transpercerait le cœur des filles. L’inaccessibilité et l’impénétrabilité de Béatrice la transforment en figure dantesque pour l’un, en ennemie hostile pour les autres, mais ne la protègent pas des blessures narcissiques, ni des déchirures profondes, causées par la présence obsédante du Cœur croisé…

Dans son roman, Pujadas déshabille l’intimité féminine. Pas celle des corps effeuillés, trop évidente. Plutôt celle que l’on dissimule aux regards, qui pousse aux faux-semblants, qui recèle les regrets cuisants et les secrètes humiliations. Dans des atours de prédatrice, la femme révèle bien souvent la vulnérabilité d’une proie. Parfois d’elle-même… Les dessous chics, c’est la pudeur des sentiments maquillés outrageusement, rouge sang.

Samia HAMMAMI