Lucy Ferney, avec deux Y

Daniela GINEVRO, Respire, Carnières, Lansman, 2016, 44 p., 10 €

ginevroLucy a neuf ans et aujourd’hui est le jour où sa maman l’a oubliée. Ce matin, maman était en retard, comme tous les jours. Puis la voiture a refusé de démarrer. Mauvais début de journée pour maman. Des tracas, alors qu’elle en a déjà plein le dos de ce foutu boulot et de ce foutu appartement. Mauvais début de journée pour l’inspecteur aussi, lui qui comme tous les jours a tenté de parler à son père sans y parvenir. Et puis vient le soir et maman n’est pas là. A-t-elle oublié son téléphone ? Aura-t-elle dû faire des heures supplémentaires ? Où peut-elle donc bien être ? Lucy a l’impression de se fondre dans sa chaise. C’est que la garderie doit fermer et monsieur le surveillant commence à s’impatienter : il voulait aller faire les courses, acheter du poulet rôti, des haricots et de la purée, bref, préparer un bon petit repas à ses enfants… Tant pis, pour une fois ce sera des pizzas !  Mais l’heure tourne et la maman de Lucy n’arrive toujours pas. Ne serait-ce pas le moment d’appeler l’inspecteur ? 

Avec son titre sur-mesure, Respire s’annonce comme un « petit bol d’air » sur la scène théâtrale belge. Daniela Ginevro a su trouver les mots justes pour nous parler des petits et des grands problèmes de la vie. Ou plutôt pour faire parler des petits et des grands problèmes de la vie. Car Respire c’est avant tout l’histoire de personnages touchants et réussis. Il y a d’abord Lucy, petite fille de neuf ans, qui nous raconte son quotidien et celui de sa maman avec beaucoup d’intelligence et de tendresse. Il y a ensuite Hannah, la maman, qui fait de son mieux, mais pour qui les choses semblent de plus en plus compliquées. Elle sait qu’elle ne devrait pas laisser la vie décider à sa place : il faudrait se battre, déménager, partir à la mer peut-être ; mais par où commencer lorsque l’on a déjà bien du mal à gagner son pain ? On rencontre aussi la directrice, qui n’avait vraiment pas besoin de ça aujourd’hui, pour une fois qu’elle a un rendez-vous ! Qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir lui dire à Yves ? Et finalement notre inspecteur, qui ne rêvait pas d’être inspecteur, non : il voulait faire de la plongée, de l’apnée pour être précis. Le problème c’est qu’il ne sait pas nager. Est-ce que pour cela qu’il se « noie dans son rêve d’enfant » ?

Respire c’est une écriture comme un souffle, des mots empreints de fantaisie et de sensibilité, qui gardent pourtant toute la lucidité nécessaire à la description des aléas du quotidien. C’est une vision poétique de destins qui le sont parfois moins, un cri de résistance qui nous invite à « voler haut dans le ciel », à faire des plans, à ne pas se laisser abattre. C’est une pièce pour la jeunesse, mais pas que : tout simplement une pièce comme on aimerait en voir plus.

Respire a remporté le « PRIX ANNICK LANSMAN 2016 »

Maxime Hanchir