Archives par étiquette : Maxime Hanchir

Lucy Ferney, avec deux Y

Daniela GINEVRO, Respire, Carnières, Lansman, 2016, 44 p., 10 €

ginevroLucy a neuf ans et aujourd’hui est le jour où sa maman l’a oubliée. Ce matin, maman était en retard, comme tous les jours. Puis la voiture a refusé de démarrer. Mauvais début de journée pour maman. Des tracas, alors qu’elle en a déjà plein le dos de ce foutu boulot et de ce foutu appartement. Mauvais début de journée pour l’inspecteur aussi, lui qui comme tous les jours a tenté de parler à son père sans y parvenir. Et puis vient le soir et maman n’est pas là. A-t-elle oublié son téléphone ? Aura-t-elle dû faire des heures supplémentaires ? Où peut-elle donc bien être ? Lucy a l’impression de se fondre dans sa chaise. C’est que la garderie doit fermer et monsieur le surveillant commence à s’impatienter : il voulait aller faire les courses, acheter du poulet rôti, des haricots et de la purée, bref, préparer un bon petit repas à ses enfants… Tant pis, pour une fois ce sera des pizzas !  Mais l’heure tourne et la maman de Lucy n’arrive toujours pas. Ne serait-ce pas le moment d’appeler l’inspecteur ?  Continuer la lecture

Boustro ? Fais donc !

Un coup de coeur du Carnet

Boustro, revue plastique et poétique animée par Laurent DANLOY, Pascal LECLERCQ, Karel LOGIST et Paul MAHOUX, n° 2, juin 2016

Boustro2Quelle ébullition revuistique dans la Cité ardente, et de quelle qualité ! En décembre 2015, le premier numéro de Boustro, « fruit de rassemblements autour de l’amitié et de la recherche du bel-être » s’y multipliait à 200 exemplaires « numérotés et choyés » et essaimait hors du nid que lui avaient amoureusement ménagé pour l’occasion les éditions du Tétras-Lyre. L’empennage de ce drôle d’oiseau rassemblait Véronique Janzyk, dont les proses calibrées chutent dans le temps à la faveur d’un séjour à Corfou (là où les touristes allemands ignorent que « le silence est parfois une langue aussi ») ou dans la chambre 350, occupée par cet être cher dont le cœur est grignoté par « une cellule folle qui grandit » ; Serge Delaive, avec une suite d’épures où les accents d’une douleur lancinante se mêlent à une révolte éjaculée « debout / sous la voie lactée » ; Yolanda Castaño, poétesse espagnole dont son traducteur Frédéric Bourgeois a rendu la narquoise « beauté d’épi » de ses vers, qui circulent en ligne brisée jusqu’au rendu de la terrible sentence : « Seule la vérité rend / esclaves » ; Maxime Hanchir enfin, qui livre une série de portraits subtilement biseautés, tracés d’un fusain sensible non dénué d’ironie, doux-amer juste ce qu’il faut. Ajoutez à cela les présences flottantes et anxiogènes, silhouettes intubées et autres loups ectoplasmiques dessinés par la Marolienne de Liège Sofie Vangor, et vous obtenez un carnet de « Poésie Pur Porc », à lire à hue et à dia, de traviole et de guingois, à l’envers comme à l’endroit. Continuer la lecture

Sur le chemin de Dallas

Thierry DEBROUX, Kennedy, Lansman, 2016, 48 p., 10 €

derboux kennedyLe monde politique et les jeux de pouvoir ont toujours constitué d’excellents motifs dramatiques, que ce soit au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Le sujet fascine et pour peu que l’histoire soit agrémentée d’un soupçon de scandale ou de tragédie personnelle, l’œuvre sera bien souvent assurée d’obtenir les suffrages du public. Au théâtre, c’est bien sûr une longue tradition qui commence dès le théâtre antique et qui ne s’est jamais interrompue depuis. On pensera notamment aux intrigues « politiques » d’un Shakespeare ou d’un Ibsen, pour ne citer que ceux-ci, jusqu’à un récent Tom Lanoye dont la Revue Ravage nous dévoilait en 2015 les mémoires d’un ancien chef de parti. Passons le cinéma et ses nombreux biopics trop souvent édulcorés, pour évoquer la série télévisée, où les très réussis Borgen et House of Cards ont dernièrement réalisé le tour de force de captiver des millions de téléspectateurs. Continuer la lecture

À la santé de Mlle Beulemans

Frantz FONSON et Fernand WICHELER, Le Mariage de Mlle Beulemans, Bruxelles, Impressions Nouvelles, coll. « Espace Nord », 2015, 233 p., 8,5 € / epub : 5,99 €

le mariage de mademoiselle beulemansVotre serviteur reconnaît s’être trouvé légèrement embarrassé lorsqu’on lui a demandé de noircir deux ou trois feuillets sur Le Mariage de Mlle Beulemans. La collection Espace Nord rééditait la pièce de Fonson et Wicheler et l’on devait bien en dire quelques mots. Mais Mlle Beulemans n’avait-elle pas déjà fait couler assez d’encre ? Et comment ne pas éprouver une certaine méfiance envers cette historiette fleurant bon la naphtaline et les valeurs bourgeoises, qui comme une vulgaire kermesse de village se terminait sur les cuivres lourdauds et empâtés de la Brabançonne ? Il fallait donc commencer par relire le texte. Et puis, quelque peu surpris, contrarié même, se demander d’où Mlle Beulemans – à un âge aussi avancé – continuait à tirer sa fraîcheur indéniable.
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Portrait de femme(s) pluriel et singulier

Un coup de coeur du Carnet
Maxime HANCHIR


landuytSi tout texte de théâtre est écrit pour être joué, toute production réussie nécessite au départ un texte de qualité. Sylvie Landuyt le sait qui signe avec Elles(s) un texte vif et percutant remettant en cause les préjugés de genre. Sans jamais tomber dans la leçon de féminisme.
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À la recherche de nouvelles narrativités

Maxime HANCHIR

pourveurAuteur à la fois engagé et résolument indépendant, esprit aussi original que systématique, Paul Pourveur est une personnalité atypique qui a su tirer le meilleur parti de ses contradictions. Ni réellement francophone, ni tout à fait néerlandophone, celui qui à ses débuts trouvait le théâtre « ringard » est ainsi devenu l’un des dramaturges belges les plus estimés. Survivre à la fin des Grandes Histoires est l’occasion de redécouvrir un parcours complexe et exigeant avec pour fil d’Ariane la recherche de nouvelles narrativités.                                  Continuer la lecture