La terre qui est en nous, la terre qui est derrière nous, la terre qui est devant nous

Axel CORNIL, Du béton dans les plumes, Lansman, 2016, 42 p., 10€   ISBN : 978-2-8071-0110-4

cornilLes terrils, balafres d’une époque révolue, dominent le paysage borin. Ces immenses cathédrales de terre et de suie ont toujours trôné au fond du jardin de Pétrone. Le jeune homme a grandi dans cette région aujourd’hui appauvrie. De sa vie, il n’a jamais su quoi faire. Dès sa naissance, il s’est montré fébrile et inutile. Que faire d’un enfant aux poumons noirs ? Son père, Icare, souffre de ne pas avoir pris son envol. Sa mère, Europe, porte le deuil des nombreux morts qui peuplent sa famille. Elle sombre dans l’alcool, chaque bouteille qu’elle vide étant un chagrin de moins sur ses épaules. Il faut préciser que c’est une tradition familiale de passer de vie à trépas. Le buffet de la salle à manger déborde de photos des aïeuls disparus. Pétrone, dont le nom résonne comme de la pierre, hérite de la maison familiale, celle que les mains malhabiles de son architecte de père ont construite. Cette maison chancelante n’est plus qu’une ruine. L’entrepreneur que Pétrone a contacté est formel : il faut vendre le terrain et raser la demeure. La rénover ne provoquerait que de plus grands tracas. Que faire face à ces briques où se promènent allègrement les souvenirs et les fantômes ? Que faire face à cet héritage quand on a seulement vingt-cinq ans ?

Axel Cornil qui a grandi dans le Borinage précise que « ce n’est pas une tare ». Le jeune auteur, qui a suivi un cursus d’écriture dramatique à l’INSAS sous la houlette de Jean-Marie Piemme, enchaîne les écrits et les succès. Il a écrit et mis en scène la pièce Du béton dans les plumes à l’occasion de Mons 2015. Axel Cornil se plaît comme toujours à fouiller la terre et les grands mythes. Il questionne ici les notions d’héritage, de transmission et d’émancipation. Nous basculons sans cesse entre souvenirs et présent du récit. Pétrone se révèle peu à peu à travers de beaux monologues. Parviendra-t-il à prendre son envol au contraire de son père ?

Émilie Gäbele