Où l’on part à la rencontre d’un couple irradiant d’amour

Benjamin POTTEL, J’infiniments nous, maelstrÖm, coll. « 4 1 4 », 50 p., 14 €   ISBN 978-2-87505-251-3

pottel-livreVoilà un livre qui émouvra, sans aucun doute, tout qui, un jour, une fois, aura croisé la route de Benjamin Pottel. Aura eu, par exemple, la chance de partager un bout de scène avec lui, l’improvisateur hors pair, le guitariste généreux, maître d’œuvre de la « Troupe Poétique Nomade » des éditions MaelstrÖm. Aura eu, aussi, la chance de discuter le bout de gras avec un homme capable, d’une chiquenaude, de renverser une conversation, de la faire soudainement basculer, alors que rien ne le présageait, dans le questionnement philosophique et métaphysique.

Disparu en mai dernier, nous restent de lui nos souvenirs, ses chansons, sa voix grave et chaleureuse, ses beaux silences et deux livres : Le labyrinthe de Jerzy et ce nouvel opus, J’infiniments nous. Deux livres minces dans lesquels Benjamin Pottel nous offre, en quelque sorte, la quintessence de sa vision philosophique du monde.

On naît perdus. Manquant mille fois nous noyer dans les vagues des choses qui nous arrivent, la déferlante insensée des lames qui, sans cesse, nous submergent. Comment s’en sortir ? Comment ne pas errer à tout jamais, petits poulets fous et sans tête, brinquebalés, pour ainsi dire, d’une catastrophe à l’autre ? Comment trouver sa voie dans le labyrinthe du monde ? Sans apporter de réponses définitives à ces éternelles questions, Le labyrinthe de Jerzy se présentait comme un conte initiatique, un voyage chamanique au cœur de la Terre. Où l’on suivait pas à pas un narrateur en quête de sens. Où l’on allait de rencontre en rencontre. De vision du monde en vision du monde. D’illusion en illusion.

J’infiniments nous est d’une tout autre facture. Recueil de poèmes, de textes de chansons (peut-être ), J’infiniments nous est une suite courtes pièces traitant de l’amour. Des rapports, quelques fois ambigus, quelques fois merveilleux, que nous entretenons dans nos belles ou tristes frictions avec l’autre, l’être aimé. Ça commence par un furieux appétit, une espèce de non rencontre, une conscience aigüe du temps qui passe :

Je n’ai pas le temps
Je suis pressé
Une vie à remplir
Des besoins à assouvir
Laisse-moi partir
Je n’ai plus de temps
(…)
Insatiable
J’en veux toujours plus
Être libre de courir
Laisse-moi t’oublier
Laisse-moi t’occulter
Pas d’effets secondaires
(…)

Ça se poursuit par l’envie absolue que tout se passe autrement, qu’une réelle rencontre ait lieu :

Nous serons ensemble dans notre solitude
Un jour je me retournerai
Non plus comme un ami qui tourne le dos
Je serai celui qui donne
Pour que mon intérieur se confie à tes mains vibrantes

Puis vient la rencontre véritable. Déclinée en une série de poèmes où les « je » et les « toi » solitaires forment parfois des « nous ». Où des doutes, bien sûr, parfois nous étreignent.

Benjamin Pottel tournait sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Préférant, et de loin, exposer les choses, ses visions, en une suite de formules limpides plutôt que de laisser errer à voix haute sa pensée. Les poèmes de J’infiniments nous sont du même ordre : ils rapportent fidèlement, dans une langue claire et limpide, une expérience personnelle du monde. Les illustrations de Cindy La Rosa, compagne de Benjamin, ne font que renforcer cette impression : oui, Benjamin Pottel a été un homme heureux ; oui, Benjamin Pottel a rencontré ici-bas « l’amour de sa vie » comme on dit ; oui, J’infiniments nous témoigne à quel point Benjamin et Cindy ont été, sont encore, pour tous ceux et toutes celles qui les ont connus, un couple littéralement solaire.

Irradiant d’amour.

Encore ceci : J’infiniments nous inaugure, chez MaelstrÖm, une nouvelle collection. Chaque livre y est vendu en deux exemplaires. Collés tête-bêche. L’un d’entre eux est à conserver dans sa bibliothèque. L’autre est à offrir. Éditer J’infiniments nous est une belle façon de débuter une collection « 4 1 4 » destinée, somme toute, au partage, aux amitiés que nous tissons peu à peu dans nos vies.

Vincent Tholomé