Un coup de coeur du Carnet
Stéphanie BLANCHOUD, Je suis un poids plume, Lansman, 2017, 36 p., 10€, ISBN : 978-2-8071-0136-4
Un couple se sépare. Qui garde la petite lampe ? Le meuble en teck ? Les casseroles ? Ces couverts, il n’en a plus besoin. Ces assiettes ? Ce sont celles de sa grand-mère à elle. Les DVD là, qui les prend ? Et ainsi de suite, jusqu’à la serpillière et le tapis d’entrée. Peu à peu, leur logement, qui a vu leur amour se révéler, brûler de mille feux avant de s’éteindre doucement, est déserté par ses occupants. L’appartement est vidé, nettoyé, la clé est rendue au propriétaire, les souvenirs sont exilés. Il n’y a plus qu’à se ressourcer ailleurs, voyager, essayer d’oublier, se familiariser avec la solitude, retrouver un toit, acheter de la nouvelle vaisselle, inscrire son nom sur la sonnette une Xème fois…
On remonte le cours de la rupture et on assiste à des conversations entre les deux amants. Les paroles de l’homme sont absentes. Seules celles de la femme nous sont rapportées. Fille peu sûre d’elle et hésitante, la narratrice se laisse facilement marcher sur les pieds. Elle prend rarement des décisions. La découverte de la boxe va lui permettre de s’affirmer et de tourner la page de cette rupture éprouvante. Au fil des entraînements intensifs et des premières douleurs, elle gagne en puissance et en confiance. Elle ne baisse plus le regard et prend goût à ce rythme effréné. Elle n’aime pas la violence, mais veut rendre les coups qu’elle a reçus, les blessures, les départs, les manques… Elle rencontre d’autres hommes et apprend à se passer de l’odeur de l’amant qui l’a quittée. Parviendra-t-elle à le croiser sans en perdre tous ses moyens ? Sans en ressentir comme un violent uppercut dans le ventre ? Sera-t-elle capable de donner le dernier coup pour que cette relation aille vers sa fin irrémédiable ?
Autobiographie, autofiction, fiction ? Qu’importe. Stéphanie Blanchoud, artiste aux multiples facettes – actrice, auteure, metteuse en scène et chanteuse -, raconte la fin d’une histoire d’amour et le début d’un nouveau combat. La construction du récit est rapide, impétueuse, rythmée comme l’est un match de boxe. La chanson de Rocky, Eye of the tiger, ponctue la narration. Les rounds et les pauses s’enchaînent. On sent l’effort physique, l’essoufflement, l’endurance dans ce texte qui marie parfaitement les uppercuts aux grands silences à travers lesquels nous ressentons tout le poids de l’absent. Le verbe est percutant, bref, simple et direct. Le parallèle entre la boxe et la vie, et les coups (bas) que l’on peut y recevoir de part et d’autre, est admirablement bien amené. Stéphanie Blanchoud signe ici un cinquième et brillant texte, qui a été créé il y a peu au Théâtre des Martyrs, dans une mise en scène de Daphné D’Heur. Cette talentueuse artiste n’a certainement pas fini de nous étonner.
Émilie Gäbele