Ces jours où tout bascule…

Paul COLIZE, Zanzara, Fleuve Editions, coll. « Fleuve noir », 2017, 320 p., 19,50 €/ePub : 13.99 €, ISBN : 9782265099388

colize zanzaraJournaliste web au Soir, Frédéric – Fred – Peeters, 28 ans, est de ces types qui ont besoin de sensations fortes pour se sentir vivants… Borderline et hyperactif, il est l’image même de l’antihéros : vie nocturne trépidante, alcool, sexe, paris, défis aussi dangereux qu’absurdes forment son lot quotidien. Côté relations, le tableau n’est guère plus réjouissant. Entre Camille, sa petite amie mariée de laquelle il attend plus qu’elle ne veut bien lui donner, un père qui l’ignore totalement, et une mère tiraillée entre son dévouement pour l’un et son amour pour l’autre, Fred est tout ce qu’il y a de plus tourmenté. Puis en filigrane, un drame personnel, qu’on devine ancien, sans qu’on en soupçonne encore la noirceur, sans qu’on en perçoive les implications, révélé par bribes, tels des indices distillés ci et là dans le récit à mesure que l’on découvre l’existence de Greg et qu’on entrevoit un traumatisme.

Mercredi 17 juin 2015, 22h… Appel d’un homme en panique. Celui-ci assure à Fred qu’il a des informations sensibles à lui communiquer et lui donne rendez-vous à son domicile, le lendemain, à la première heure. Sauf que quand Fred, le citadin, débarque au Grand-Hez, obscur patelin près de Bouillon, tel « Tintin dans les Ardennes », pour tout gars, c’est un cadavre affalé dans un divan, bouche grande ouverte, qui l’attend ! Le type au téléphone ne lui avait-il pas dit la veille qu’il se sentait menacé et qu’ « ils » feraient tout pour le faire taire ? Comment expliquer la position de l’arme ? Où sont l’ordinateur et le téléphone de la victime ? Trop de questions restent sans réponse. Avide du scoop qui lancera peut-être enfin sa carrière, Fred compte bien faire la lumière sur cette affaire, épaulé par Raf, le fils de la victime, « prototype du gringalet qui aimerait en imposer, mais n’en impose pas ».

Dans un style nerveux et sans fioriture, Paul Colize emporte le lecteur de Bruxelles à Odessa, en Ukraine, en passant par Hasselt ou Paris, à un rythme effréné. Les phrases sont concises, les chapitres très courts, le langage est familier, l’humour délicieusement pince-sans-rire. Avec son ambiance à la belge, Zanzara est décidément bien difficile à refermer. L’intrigue policière, teintée de politique, s’entremêle subtilement avec l’histoire personnelle de Fred, sa vie familiale orageuse, ses amours passionnées. Parfaitement équilibrés et efficaces, ces deux récits tiennent le lecteur en haleine du début à la fin. Que s’est-il réellement passé, le 2 mai 2014, à Odessa ? Quel rôle a joué la victime dans les événements ? Qui est Greg ? Quelle est son histoire ? Quel avenir pour l’histoire d’amour, touchante et emplie de tendresse, de Camille et Fred ?

Puis il y a ces brefs passages en italique, entêtants, toujours plus angoissants à mesure que s’écoule le compte à rebours : 27 minutes avant l’appel, 20, 17, 12, 4, 1… Le suspense est présent tout au long du roman. Jusqu’au final, enivrant autant qu’imprévisible, dont les actions s’enchainent, tellement nettes et limpides qu’elles surgissent dans notre esprit à la manière des images d’un film.

Zanzara, premier volet d’une nouvelle série ? On découvrirait, en tout cas, bien volontiers d’autres aventures de Fred Peeters.

Marie Dewez