La femme sans ombre

Claudine TONDREAU, L’Adorante, Samsa, 2017, 137 p., 14 €, ISBN : 978-2-87593-080-4

tondreau.jpgAprès deux premiers romans, Paspalum et L’œil du crocodile, publiés aux éditions Le Cri, dirigée à l’époque par Christian Lutz, Claudine Tondreau a suivi son éditeur lorsqu’il a mis sur pied la maison Samsa, où elle publie son dernier récit, L’Adorante.

Trois romans avec des femmes au cœur de la narration. Mais si les deux premiers avaient beaucoup d’accointances avec l’Afrique, Afrique réelle ou Afrique fantasmée, L’Adorante se centre sur la relation d’amitié profonde qui se noue entre deux fonctionnaires des Institutions européennes. Ces deux femmes sont collègues et partagent le même bureau. La narratrice, une Belge, se situe à un tournant de sa vie et est fascinée par Hildegarde, une Allemande atteinte d’une maladie rare qui influe sur son comportement : elle souffre de la peau et doit se protéger de la lumière. Pour Hildegarde, « il n’y a plus de bonté solaire ». Tout en décrivant les rites de la vie administrative et la vie sans courbes de la fonctionnaire allemande, Claudine Tondreau approche de près la psychologie de ses deux personnages, dont l’une fascine l’autre par son étrangéité. Étrangéité qui semble bien être une marque de fabrique de la romancière belge d’origine montoise qui aime flirter avec le réalisme magique à la belge dans son écriture.

La narratrice, captivée par sa nouvel amie, s’intéresse de plus en plus aux secrets qu’elle semble dissimuler et à ses manières inhabituelles, tant et si bien qu’elle l’affuble de surnoms divers et variés comme la Bédouine, la momie, la chatte diaphane, la Remarquable, l’Extra-terrestre, la Renarde, la femme sans ombre et sans ride, l’Adorante Princesse…

Claudine Tondreau apporte du relief à la relation que nouent ces deux femmes en les entourant d’une galerie de personnages secondaires originaux : le droguiste d’une papeterie, Paolo l’Italien de Florence, Wolfgang, frère jumeau d’Hildegarde, l’homme des lettres aux ailes déployées d’aigle, Madame Biscaille et ses chats, un cordonnier tunisien, le mystérieux Architecte Premier et sa collection de minéraux, Sarah, la guérisseuse du restaurant De Zoete Waters, laquelle va jouer un rôle déterminant dans la destinée finale d’Hildegarde. Avec, pour fil conducteur, ces deux questions : « Qu’est-ce que le réel s’il est si fugace ? Qui est cette femme ? » Les réponses naîtront de votre lecture de ce livre qui ne manquera pas de vous surprendre.

Michel Torrekens