François BEYENS, La Dame de Suzhou, Murmure des soirs, 2017, 460 p., 22€, ISBN : 978-2-930657-37-0
Médecin acupuncteur formé en Chine, maîtrisant le mandarin, Gilles est un fervent admirateur de la civilisation chinoise. Il arrive à Suzhou dont il désire revoir les célèbres jardins. Mais autre chose motive son voyage : « Jusqu’ici ma vie avait été si rectiligne. Avant il y avait le Gilles que je connaissais. Après il y eut une ascension, une évolution accélérée, vers un autre moi, un autre Gilles, une autre vie ».
Ce changement va prendre le visage d’une femme. Au cours d’une de ses premières visites, il fait la connaissance de la jeune Lianhua Xiu, avec laquelle le courant passe rapidement. Gilles s’habille à la mode chinoise, parle la langue, s’intéresse aux jardins : tout cela facilite le rapprochement. Ils décident de se revoir pour visiter un autre jardin.
Lire aussi : un extrait de La Dame de Suzhou
Rapidement, une relation sentimentale se noue, malgré la différence d’âge. Gilles découvre la famille particulière de son amie. Son père, bien que très riche, est un opposant au régime et fait l’objet d’une surveillance étroite. Lianhua elle-même est discrètement suivie dans tous ses déplacements par un garde du corps, expert en arts martiaux, Liu Jingzhi.
Entre Gilles et Lianhua (ce qui signifie « Fleur de Lotus »), la passion charnelle s’impose rapidement, tout en s’accompagnant d’une forme de mentorat intellectuel qui va permettre à l’acupuncteur de s’initier in vivo aux arcanes du monde artistique de l’Empire du milieu.
Outre l’art des jardins, Lianhua fera découvrir à Gilles la gastronomie (le roman abonde en description de menus), la calligraphie, les rituels du thé et la tradition de la fabrication des théières. Grâce à ce dispositif narratif, l’intrigue amoureuse offre une foule d’aperçus sur la culture chinoise. En s’identifiant au narrateur, le lecteur découvre un pays et sa culture à travers l’histoire d’un amour.
Acteur politique contraint à la clandestinité, mais très au fait des subtilités du pouvoir chinois, le père de Lianhua, Monsieur Xiu, joue un rôle important pour relancer l’intérêt narratif. Au début du roman, il envoie sa fille en mission secrète à Hong-Kong au grand désespoir de Gilles qui se croit soudain abandonné. C’est lui aussi qui met en branle, dans un style qui combine road movie et thriller, la deuxième partie du livre, « La chasse aux théières ».
Cette fois, Gilles est directement associé à la mission confiée à Lianhua. Il s’agit, avec l’appui logistique de Liu Jingzhi, le garde du corps, et de son équipe de combattants zélés, de récupérer et de mettre en lieu sûr une dizaine de théières de grande valeur qu’un ami du père, en délicatesse avec le pouvoir, a dissimulées dans une série d’endroits autour de Suzhou.
Cette quête se révèle particulièrement dangereuse dès lors que des collectionneurs peu scrupuleux lancent des hordes de malfrats aux trousses des héros afin de leur extorquer les précieux récipients. S’ensuivront des courses effrénées en voitures blindées à travers la campagne chinoise, ponctuées de haltes dans des hôtels discrets, de repas dans des restaurants locaux et de nouvelles visites de jardins.
Joliment écrit, parfois à la limite du sucré, narrativement ambitieux et surtout remarquablement documenté, le roman étonne par le contraste entre ses deux parties, passant sans transition d’une histoire d’amour romantique sur fond de culture ancestrale à une série d’épisodes aventureux au parfum prononcé de roman à suspense. Mais toujours avec la Chine et ses mystères en toile de fond…
René Begon