La résistance, un pays en soi

COLLECTIF, Pays dans un pays. Marcheuses et Marcheurs des Temps présents, MaelstrÖm, 2017, 105 p., 8€, ISBN : 978-2-87505-288-9

pays dans un paysIls ont marché et marcheront encore, ils traceront des voies nouvelles, ces Marcheuses et Marcheurs, comme ils l’ont fait le 20 mai 2017, à l’initiative des Acteurs des Temps Présents. Deux marches se sont ainsi déroulées en Wallonie, l’une à partir de Liège, l’autre de Tournai pour aboutir à Bruxelles. Il s’agissait pour la première d’aller à la rencontre de situations singulières et irritantes où les intérêts privés menacent le bien commun. D’où le nom adéquat : « Marche des communs ». La seconde avait pour but de repérer les lieux en péril pour cause de précarisation ou d’abandon afin de proposer des alternatives. C’est pourquoi elle a pris pour nom « Marche des réparations ».

Dans la foulée, les marcheuses et les marcheurs ont voulu témoigner de cette expérience et en laisser une trace forte par un livre qui serait à la fois narratif et politique. Si ce livre Pays dans un pays  garde la vibration de ce mouvement, c’est qu’il raconte le pays traversé d’une manière inédite, faisant surgir des situations, des faits, des émotions dans les sentiers, les lieux traversés, les rencontres, les croisements les plus inattendus. Un ensemble donc de textes, en prose et en vers, de dessins, de photos, du réalisme poignant au poétique le plus subtil, qui rend compte d’une démarche , mais surtout d’un  désir impérieux de montrer ce qu’on n’a pas pu voir, ce qu’on a oublié ou ignoré. Il a fallu, à ceux qui ont participé se mettre à dessiner le pays dans le pays, en évoquer les relais locaux, mais aussi aller à la rencontre des populations, susciter ou ressusciter des qualités de vivre ensemble, fussent-elles dormantes ou abandonnées. Insuffler enfin une réappropriation collective de la parole, reconstituer des espaces de débat.

Ces textes qui pour se livrer quelque peu à l’imagination n’en sont pas moins, et pour cause, militants.

Faire Pays dans un pays, c’est une manière de se représenter ce qui pourrait être. C’est une façon de revendiquer le rêve politique.
Faire Pays dans un pays, c’est mettre en place des dispositifs  et des initiatives qui permettent de se rassembler, de coopérer et de prospérer en combattant les logiques de domination et de prédation, en s’attaquant aux inégalités et à ce qui les produit. C’est accepter de rendre communs des biens, des territoires, du temps. C’est imaginer créer des institutions autonomes, des régies de quartiers, des monnaies de remplacement ou des caisses de solidarité. C’est surtout mettre sur pied des manières de faire qui n’imitent pas les pratique et ne répètent pas les intentions d’un système à la fois moribond et mortifère.

Mettre en relation, relier des lieux, tisser des liens interpersonnels, former une communauté inédite, c’est bien superposer une nouvelle carte sur l’ancienne.

D’autres textes pointent le lyrisme par delà la référence au réel vécu.

Sortir de nos villages
veut toujours dire
que les aménagements s’enfrichent.

Mais le pollen dans les fougères
est un langage en plus
et le craquement de biche
sur l’herbe une bouche bée.

Carré enfin de ville :
ce que corons veulent dire
c’est de tailler les branches
plutôt que veines.

Ce livre a la vigueur de la spontanéité et des témoignages à chaud. Soigné dans sa présentation, bien que réalisé en quelques semaines, il garde la fraicheur de l’élan premier.

Vous avez dit COLLECTIF, ils sont plus de vingt-cinq  dont les noms figurent en fin de volume à avoir signé ce qu’on peut appeler un Manifeste.

Jeannine Paque