Aniss EL HAMOURI, Comme un frisson, Vide Cocagne, 2017, 163 p., 20 euros, ISBN-13: 979-1090425798
Un sentiment de vide a envahi Renata. Inexplicable et diffus, il la paralyse (elle tente, vainement, d’envoyer un manuscrit qu’elle a rédigé à des éditeurs) et la fait se complaire dans les vestiges d’une relation amoureuse passée. Renata est désespérément seule avec elle-même.
Et puis soudain, quelque chose d’inattendu… À l’approche du danger, une vibration sourde résonne dans sa boîte crânienne. Elle a l’impression de pouvoir percevoir la menace avant même qu’elle n’arrive. C’est cette sensation, et sa rencontre avec Corbeau et Beluga, deux marginaux magnifiques, qui va pousser Renata à tester ses propres limites. Ensemble, le trio va s’autoriser les pires excès et s’enfoncer lentement, mais surement dans une quête de sens autodestructrice.
Si Aniss El Hamouri réalise ici son premier album pour le compte d’une maison d’édition (les éditions Vide Cocagne), il n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Ce jeune auteur d’origine belgo-marocaine est une figure bien connue du milieu du fanzine. On lui doit les ouvrages d’anthologies Lâchez les Chiens et Du Sels sur mes Plaies ou le fanzine Elle. Son travail se caractérise par un trait foisonnant, sec et nerveux et par des histoires tantôt sombres et désespérées, tantôt douces et amers. Le genre d’histoires dont on ne sort pas émotionnellement indemne.
Ce sont ces ingrédients que l’on retrouve dans Comme un Frisson, projet qu’Aniss El Hamouri a porté à bout de bras pendant plus de deux ans. « J’avais envie de raconter une histoire de marginaux, explique-t-il, de parler des pressions sociales que l’on peut subir chaque jour et d’illustrer cette sorte d’envie de fuir de tout quand on a l’impression de n’avoir sa place nulle part ». Selon lui, Renata est un parfait point d’ancrage pour que le lecteur découvre cet univers et perçoive ce type sentiment oppressant. «Elle est cliniquement marginale, poursuit Aniss El Hamouri. En ce sens que sa marginalité devient presqu’une maladie. Elle cherche désespérément sa place mais ne la trouve jamais, ni parmi les siens, ni même avec Corbeau et Beluga. Elle ne sait pas où elle se situe et, personnellement je ne pense pas avoir de réponse à cette question ».
Déjà, Comme un Frisson s’est imposé comme la bonne révélation de cette fin d’année. Un récit beau et sombre, d’une violence parfois gratuite mais cathartique et nécessaire. Le cri de détresse d’une génération en mal de repères.
Salvatore Di Bennardo