Werner LAMBERSY, peintures d’Emmanuelle RENARD, Départs de feux, Tipaza, 2017, 140 p., 30 €, ISBN : ISBN : 978-2-912133-45-8
Demi-sommeil de chats devant
L’âtre des planètesL’ange de la parole
Déferlant sur l’océan bègue des
VaguesLes mondes et moi on apprend à
Se connaîtreQuelquefois les yeux
Suffisent qui lancent des bouées
Voilà, c’est cela, Départs de feux, de courts poèmes emplis de souffle. De courtes affaires où Werner Lambersy n’arrête pas de s’interroger sur l’écriture, la vanité de l’écriture, l’humain, l’humanité, l’humain dans ses rapports au non-humain, végétal, animal ou minéral, l’humain dans le monde, dans le cosmos, l’humain avec le monde, les oiseaux, la lune, l’humain pareil au non-humain, pareillement traversé par le monde. Non que Werner Lambersy se la jouerait vieux sage façon gourou. Non que Werner Lambersy, tout à coup, se prendrait pour un donneur de leçons ou pour le gars qui aurait tout compris. Pas du tout son style. Pas du tout son genre.
Lambersy écrirait plutôt comme on lance des bouteilles à la mer, balançant dans notre monde actuel, sans illusion aucune, sans attente non plus, ses poèmes totalement inactuels. Je veux dire : relevant d’une logique autre, d’une vision autre du monde. Logique et vision où l’humain n’occuperait pas forcément le centre, où l’humain ne serait pas forcément cet être obnubilé par lui-même et par son sort. Logique et vision où l’humain se ferait tout à coup humble. Peu fanfaron. Pas du tout conquérant ou fier-à-bras ou rouleur de mécaniques.
Et voici ce qu’il y a de remarquable, à mes yeux, dans les poèmes de Lambersy : la position de Lambersy ne tient pas de la posture, n’est pas une pose que Lambersy prendrait. La position de Lambersy est celle d’un homme au jour le jour, nous donnant à lire ce qui, au jour le jour, lui a été donné : un oiseau qui fuit, une pensée fugace pour les oiseaux de paradis, poursuivre des sillages de poissons, demander au vent et à la pluie comment c’était là-bas, etc. Dialogues quotidiens avec le monde. Dialogues avec ce qui échappe. Ne dure pas. Est toujours en fuite ou en partance.
Non que Lambersy souhaiterait en quelque sorte figer le temps. Prendre, en quelque sorte, une photographie figée d’instants ou d’émotions donnés. Ce faisant, Lambersy louperait à coup sûr l’essentiel, ce qui pour lui est essentiel. Traquerait à nouveau le noyau dur, le cœur, le diamant, la vérité ferme et définitive. Ferait à nouveau ainsi de son expérience du monde une abstraction. Une idée toute théorique. Quelque chose pour la tête. Quelque chose en totale opposition avec la vie pratique.
Oui.
Voici, peut-être, ce qui, à mes yeux, rend les poèmes de Werner Lambersy si précieux : Werner Lambersy est un poète de la vie pratique, écrivant de façon pratique des poèmes à propos de la vie pratique. Un poète tentant comme il peut de rendre compte de l’expérience toute personnelle, toute physique, qu’il tient avec le monde et dans le monde. Un poète au quotidien. Traquant les similitudes. Les points de convergence entre lui-même et la mer. Les vagues. Les nuages. Le vent. La beauté passagère d’un regard. Cherchant, en quelque sorte, à se « définir » par ce qui fuit, par ce qui passe ou se délite.
Aucun regret là-dedans.
Aucune nostalgie.
Prendre acte seulement de l’intérêt que, peut-être, il y aurait à devenir fluide, changeant, flottant. Comme un nuage. Tenter alors, modestement, dans des poèmes, dans des formes qui ne comptent pas, dans une langue qui délibérément ne fait pas le poids, de rendre compte de nos traversées, de nos errances nomades avec le monde. Tenter ainsi, modestement, de susciter des feux, des incendies. De toucher, peut-être ou peut-être pas, nos âmes sensibles, nos vieux restes humains, empêtrés que nous sommes, nous autres, jour après jour, dans nos soucis ou nos tracas administratifs, par exemple.
Du bel ouvrage, quoi. Une belle bouffée d’air. De quoi passer l’hiver en vie, en tout cas, en très belle vie.
L’homme est nu quand
La poésie se propose
Pour écouterCe qui bientôt disparaît
Vincent Tholomé