Quand les rêves font sécher les larmes

Florence KLEIN, À petits pas et Je suis une danseuse étoile, Lansman, 2017, 52 p., 12€, ISBN : 978-2-8071-0171-5

klein a petits pas.jpgCet opus reprend deux pièces de théâtre pour le jeune public. La première, À petits pas, nous plonge dans l’univers d’une enfant, Alice, qui aime bien raconter à la cicatrice sur son pied des histoires de quand elle était petite et qu’elle ne dit pas à ses amies parce que ça les ennuie. Son père est mort et elle vit avec sa mère, qui est toujours pressée et qui ne la comprend pas. Elle peut même aller jusqu’à la violence verbale et physique.

Alice : La maman dit : Arrête de faire la comédie. On n’a pas le temps.” La maman dit que je joue, mais je ne joue pas. Qui c’est d’ailleurs qui jouerait à pleurer ? Qui c’est qui jouerait à avoir mal ? C’est complètement bête ce qu’elle dit là, la maman. Elle dit encore : “Arrête ta comédie, on n’a pas le temps. Rentre à la maison si tu ne veux pas venir. Mais arrête de faire semblant de pleurer.

Pour combler sa solitude et son manque d’affection, Alice rêve, elle s’invente un amoureux imaginaire qui a de très petites oreilles et à qui elle ne peut pas dire de bêtises. Les mots qu’elle lui susurre nous donnent une idée de l’ampleur de sa détresse.

Alice : Un amoureux, c’est mieux que des fleurs. Et vrai de vrai, il y avait un amoureux, là dans la chambre. Mais cela faisait tellement longtemps que j’étais triste à attendre la maman sans rien dire, avec juste les petites larmes sur les joues que, quand j’ai vu l’amoureux, j’ai juste dit très fort en pleurant : “Je suis malheureuse. J’attends la maman qui ne vient pas, qui quand elle vient piétine la petite fille. J’ai de la tristesse jusque dans les doigts de pieds et mon papa est mort et le petit chat s’en est allé et le tapis brun sur le sol est si laid, si laid que j’en fais des cauchemars toutes les nuits.” 

La deuxième pièce, Je suis une danseuse étoile, se présente selon un schéma similaire à la première : nous découvrons l’univers d’une femme de 39 ans, qui nous raconte son enfance, ici aussi teintée de solitude et de tristesse.

L’héroïne nous raconte que quand elle était petite, elle voulait devenir danseuse étoile car elle voulait « danser avec le cœur ». Elle s’est lancée dans des cours de danse, mais son rêve s’est brisé face aux injonctions compétitives et méritocratiques du monde adulte : sois légère, sois gracieuse, passe des concours, aie de l’ambition. « J’aime mieux pas. Aller au concours. […] Je préfère contempler les pissenlits, sourire aux fleurs, agiter mes orteils. J’aime mieux emberlificoter les mots pour en faire des poèmes. »

Face à ces adultes qui ne répondaient pas à ses questions, cette enfant s’est créé un monde imaginaire avec un homme sans tête qui la comprenait et l’aidait à trouver la joie. Parce qu’au fond, c’est tout ce qu’elle voulait, en dansant avec le cœur. Juste être heureuse, pas être la meilleure.

À travers une douce poésie mâtinée d’une pudeur subtile, Florence Klein nous fait découvrir l’univers de deux petites filles malheureuses. Elle se meut avec une belle aisance dans l’univers imagé de l’enfance, où l’espoir est toujours permis, le cœur toujours ouvert, toujours orienté vers la lumière.

Il y a des mots sucrés à la vanille.
Parfois, je n’en ai pas envie.
Je veux du salé ou de l’amer.
Parfois, je raconte des histoires
chocolat
mais parfois
elles sont aux endives,
au rutabaga, à la salsepareille, au flan au caramel.
Mes histoires ne sont jamais vraiment les mêmes.
Ou peut-être pas.

À petits pas et Je suis une danseuse étoile, deux pièces à voir sur les planches pour rallumer les étoiles et entendre le chant des oiseaux dans le cœur des enfants. Celui des petits, mais aussi des plus grands…

Séverine Radoux