Le souffle de l’insolite

Un coup de cœur du Carnet

Carino BUCCIARELLI, Dispersion, Encre Rouge, 2018, 178 p., 18 €, ISBN : 978-2-37789-094-1

bucciarelli dispersion.jpgVoilà plus de quinze ans que ses lecteurs attendaient un nouveau livre de Carino Bucciarelli. Leur patience a été payante puisque 2018 voit la sortie d’un recueil de nouvelles, Dispersion, de très bonne tenue.

Carino Bucciarelli commence son recueil avec le texte qui lui donne son titre, une histoire incroyable dans le plein sens du terme puisque, dans un cadre anodin, il nous présente un homme qui se liquéfie membre après membre au contact de saletés. Le récit est vécu comme un cauchemar et l’auteur interpelle au final son lecteur, l’impliquant dans le frisson qu’il provoque. La suite est du même tonneau avec des nouvelles relativement courtes d’une rare efficacité. Le réel implose de partout dans ces histoires où tout est possible : un rapace qui parle, une relation quasi œdipienne avec un… cactus, une armoire qui… respire, un fils qui retrouve son père sous la forme d’une belette, un personnage qui observe le monde par son nombril, une résurrection par un certain Jizi Cri !

Nonobstant les élucubrations imaginées, le plus étonnant, c’est que Carino Bucciarelli parvient à nous entraîner dans ses univers et à capter notre intérêt. Car, derrière des mises en scène où l’inquiétant côtoie le surprenant, se développent autant d’interrogations sur le temps qui passe, l’identité, le réel, les apparences, la perte, la culpabilité, la solitude, le pouvoir, l’ennui, les relations humaines… Ainsi, dans le texte le plus long du recueil, L’armoire, une nouvelle construite comme une pièce de théâtre, Carino Bucciarelli met en scène un fils, sa mère et une armoire, dans un humour délirant qui flirte avec le complexe d’Œdipe. À la lecture de ses nouvelles, on imagine d’ailleurs que plusieurs d’entre elles pourraient faire le bonheur d’un psychanalyste tant elles en appellent à l’inconscient.

Ajoutons que l’auteur a le sens de l’humour, du raccourci et de la formule comme dans ce début de texte :

Je n’ai jamais parlé à personne des sentiments qui nous unissent mon cactus et moi. Je n’ai pas honte. Mais comprendrait-on ? Garder secret ce lien d’amitié, pour ne pas dire plus, ne vise pas à protéger ma vie privée, je préfère, voilà tout, la tranquillité d’une relation saine au tumulte.

Parmi les questions restées sans réponse à la fin de notre lecture de ces vingt nouvelles, il en est une que nous souhaiterions vous soumettre : si, par hasard, vous savez à quoi sert une courlite, nous vous saurions gré de le signaler à la rédaction qui fera suivre, histoire de savoir pourquoi « on n’approche pas un homme qui a une courlite ! »…

Michel Torrekens