SALVA, Smoking out, Monsieur Pop Corn, 2018, 160 p., 14.50 €, ISBN : 979-1090962354
Salva (Salvatore Di Bennardo) est un artiste protéiforme. Auteur de BD, on le retrouve sur youtube, où il anime une émission de cinéma, C’est dans la boîte, et où il forme la moitié d’un duo musical délirant, Hich et Salva. Allez jeter un coup d’œil, ça vaut son clic et ça met de bonne humeur pour le restant de la journée.
Avec Smoking out, il nous offre une bande dessinée bourrée d’humour et d’ouverture d’esprit. L’histoire s’ouvre sur des vacances en famille. Salva, jeune adulte, accompagné de sa petite amie, a rejoint ses parents en Italie. La conversation roule sur le restaurant de la veille, où les parents ne veulent plus retourner à cause de la fumée de cigarette. Comme la mère de Salva se réjouit que son fils ne fume pas, celui-ci lui répond : « haha, ouais, enfin, pas de cigarettes, quoi ! » Malaise. Alors Salva, cherchant ses mots, parvient à avouer à ses parents qu’il fume des pétards. La quatrième de couverture l’annonçait : « c’est comme un coming out mais avec de la marijuana… » Bien entendu, la mère fait une crise de nerfs. Salva tient à leur expliquer que ça n’a rien de grave, qu’ils ne doivent pas s’en faire. Il va revenir sur son passé.
Chaque chapitre a pour titre une question de parents à un fils qui fume. Et chaque chapitre y répond. Pas de manière didactique, ou moralisante. Ce que Salva veut faire, c’est raconter sa propre histoire de jeune qui peu à peu a commencé à fumer, et qui a le sentiment d’être un garçon normal, pas un drogué. Il y a le bal des rhétos de Binche en 2005 – belle évocation nostalgique de l’adolescence – où son meilleur ami, Laurent, a fumé son premier joint. Il y a les années d’études, où l’on se demande ce qu’on pourra bien faire de sa vie, où l’on tombe amoureux, où Salva est tenté de découvrir un univers plus large. Il y a les problèmes de couple. Il y a les fêtes qui foirent, les mauvais trips, le premier festival de BD parisien où l’on n’est nulle part à sa place, la première expédition chez le dealer : autant de scènes simples et désopilantes dans la vie d’un jeune homme. Mais surtout, du début à la fin, il y a l’amitié, le besoin d’un lien, le joint qui tourne pour partager quelque chose avec les siens. On a le sentiment, en lisant Smoking out, que la drogue, si elle semble le thème de l’album, est complètement secondaire par rapport à ce qui semble structurer l’existence du héros, l’auteur lui-même : ne pas être seul.
S’il s’agit bien d’une autofiction dessinée, on appréciera chez Salva un ton léger, rétif aux jugements, et un humour tendre, tenant souvent dans un décalage subtil entre un propos réaliste et un dessin enfantin, assez proche d’un Riad Sattouf. L’ensemble – moins l’épilogue – est d’un noir et blanc élégant mâtiné çà et là du vert cannabis, mis en page de manière vive.
Il ne faut pas chercher dans Smoking out d’éventuels conseils aux parents stressés (ni aux fumeurs débutants). Salva fait œuvre de modestie. Il n’a pas de message à faire passer. Il se met en scène pour nous divertir, et parvient à tenir ce fil entre la sincérité et l’humour, ce qui est en soi un beau défi d’auteur avec un sujet pareil, ouvrant facilement à tant de leçons pesantes ou de pornographie jeuniste. Salva s’amuse dans cet album, et ce plaisir est communicatif. Smoking out est son deuxième album aux éditions Monsieur Pop Corn. Gageons qu’il y en aura d’autres…