Olivier de TRAZEGNIES, La présence de l’ombre, Avant-Propos, 2018, 304 p., 16.50 €, ISBN : 9782390000549
Il se passe peu de choses dans le petit village de Bérverbais-les-Sources. Sauf que l’on ne sait rien de ce qui se déroule derrière les grilles du château que seuls quelques privilégiés ont le droit de franchir. Parce qu’ils n’ont plus vu âme qui vive depuis plusieurs jours, et que l’inquiétude grandit, le curé et le médecin du village surmontent leurs appréhensions et, n’obtenant pas de réponse après s’être annoncés, ils poussent la porte et découvrent le corps sans vie au visage sanglant de la châtelaine. De son fils vivant avec elle, pas de trace. La police dépêchée sur les lieux entame l’enquête, mais le mystère s’épaissit de page en page. Les recherches conduisent dans la forêt de Niflhem toute proche, lieu mystérieux et sombre où les enquêteurs se perdront non sans avoir aperçu un homme avec un chien de grande taille aux allures menaçantes de loup. Après une partie de nuit dans le froid, ils sont recueillis par un autre châtelain et côtoient d’autres formes d’ombres.
Des pistes de recherches s’esquissent. Nous sommes dans les années 1950 et les remous de la seconde guerre mondiale ne sont guère encore dissipés que leur succèdent ceux de la guerre froide. Les identités des personnes interrogées sont fugaces, un enquêteur part pour Budapest où il découvre que le curé, décédé de stupeur sur la scène du crime, n’a rien d’un ecclésiastique. L‘aigle nazi plane en permanence sur l’intrigue, des hommes ont fait fortune dans la collaboration, d’autres ont joué un rôle actif dans la mise en œuvre des projets meurtriers d’Hitler. La police elle-même est infiltrée d’espions aux intérêts multiples qui se sont mêlés à l’affaire, il est question d’un trésor juif ayant servi pour partie à monnayer la survie de personnes vouées aux camps de concentration. Dans ce sac de nœuds narratif où les protagonistes sont les premiers à avoir peine à distinguer le vrai du faux, chacun semble travailler pour son compte. Les châteaux eux-mêmes prennent vie et attirent l’attention, portant peu à peu à croire que la vérité s’y dissimule. Le temps presse, car d’autres cadavres sont découverts, laissant penser que les meurtres sont reliés entre eux par une histoire commune aux protagonistes. À la faveur d’une expédition nocturne périlleuse, une cache est découverte dans une aile où brille une lumière la nuit et, avec elle, une part du mystère est levé.
Profondément ancré dans les références historiques, généreusement parsemé de références symboliques et ésotériques, ce roman noir un rien gothique d’Olivier de Trazegnies mène son lecteur en bateau dans les méandres des bois lugubres et des passages secrets comme pour mieux le désorienter. L’auteur, qui habite le château de Corroy le Grand, prend un plaisir non dissimulé à partager son goût pour les demeures médiévales et les histoires qu’elles se prêtent à murmurer aux oreilles de ceux qui y vivent ou s’y attardent.
Thierry Detienne