Les chats savent toujours

Caroline ALEXANDER, Une vie en miniature, M.E.O., 2018, 108 p., 14 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 978-2-8070-0156-5

alexander_une vie en miniature« Quoi ? Moi, l’agnostique, la logique, la sensée, la raisonnable, la raisonneuse, je deviendrais l’espace de quelques heures une Alice qui, au lieu de traverser les miroirs, passerait, qui sait, par des trous de serrure ? »

La narratrice d’Une vie en miniature s’éberlue de sa soudaine capacité à rapetisser. Pas plus grande qu’un doigt, elle se déplace en se mêlant au pelage blanc de Jupiter aux yeux jaunes, la menant entre draps dans la chambre et lit d’herbes au jardin. Il est son chat protecteur qui lui permet de vivre l’impossible. N’a-t-on pas tous rêvé d’être une petite souris pour voir sans être vu ? Notamment l’être aimé ?

De là à ce que le rêve devienne réalité… De là à se heurter à l’incompréhensible… « Oui ? Non ? Vrai ? Faux ? Ne pas se poser la question ! Ne pas consulter de neurologue. Encore moins un psychiatre ! Surtout ne pas savoir. La griserie de ces moments m’étourdissait d’un tel bonheur. Je n’avais pas envie d’y voir clair. »

Cependant : « Pourquoi, quand, comment ? La dernière question me laissait bien sûr perplexe, mais aux deux premières répondaient les mêmes circonstances et le même état d’esprit : Maxime en chasse et mon désarroi, mon malaise, mon souhait d’être loin. »

Ironie que de vouloir être loin quand on peut être tout près. Si le fantastique de la situation donne accès à la réalité, il permet surtout de découvrir une vérité bien pauvre. La narratrice voit bien que les amours courtes et pataudes de son époux sont sans intérêt.

« Tellement conforme au cliché de la vie de bureau, avec le patron plus très jeune, inquiet de sa séduction, qui drague sa secrétaire célibataire, et celle-ci qui s’offre en vue d’une promotion et, qui sait, d’une place dans la société. Cette histoire, si bête et si banale, m’inspirait plus de compassion que de jalousie. »

Alors la vérité guérit-elle de la jalousie ? Ou bien la réalité ne surpasse-t-elle jamais le rêve ? Ou encore le rêve est-il le seul accès au bonheur, en habillant la vérité toute nue ?

« Tout était tellement entré dans le domaine du fantastique depuis le jour où j’avais découvert ma faculté de changer de dimension. Depuis le moment où, avec Jupiter, étaient nés des liens inconnus du monde humain. »

« Roman d’amour et de chats », tel pourrait être l’épilogue de Caroline Alexander : « Les chats savent toujours ce qui n’est pas dit. » Mais si on peut rapetisser à la taille d’une petite souris, peut-être est-il possible de se transformer en chat ? Pourquoi pas ? Alors là…

Tito Dupret