Sandrine WILLEMS, Devenir oiseau : introduction à la vie gratuite, Impressions Nouvelles, 2018, 208 p., 17 € / ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2-87449-599-1
Après un premier pan d’existence en tant que comédienne, metteuse en scène, scénariste et réalisatrice, l’auteure vient d’exercer douze ans comme psychologue dans la ville dorée mais sa passion pour son travail s’est consumée, ses repères vacillent de plus en plus. La joie s’est évaporée : « elle me paraissait ne pouvoir venir que de cet amour amoureux, qui me semblait inaccessible ». Autour d’elle, trois personnes se sont ôté la vie, et en dehors de ses patients, bien peu d’attaches la retiennent là où l’angoisse gagne du terrain.
Pour éviter le risque complet de la tabula rasa et tenter de retrouver cette reliance à laquelle elle aspire, Sandrine Willems choisit de s’accompagner de solides balises, cailloux blancs dans cette transition de v(o)ie qui promet d’être longue, tortueuse, en confrontation. Quels meilleurs sherpas que les auteurs et les philosophes ? Eckhart comme Kierkegaard, notamment, lui ouvrent alors une première percée, celle de la mystique assortie d’une certaine radicalité. Une pente que l’enfance a déjà imprimée en elle et dans laquelle elle espère retrouver sens. Son déménagement dans la ville blanche – nouvelle ville, nouvelle vie – la reconnecte à d’autres élans : les troubadours, semeurs de poésie, la mèneront vers le chant occitan. Il lui faudra apprendre à laisser son corps être envahi, faire du chant un rituel, comme la marche, la lecture, la méditation. Questionnée ensuite par les pratiques bouddhistes et hindouistes, elle chemine lento, faisant parfois des pas de côté ou des retours en arrière, se laissant émouvoir par des visages qu’elle rencontre, remettant sans impatience la pensée sur la table.
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S’il retrace un parcours spirituel très intime et né au départ d’une forme d’urgence vitale, Devenir oiseau : introduction à la vie gratuite laissera entrevoir à chacun.e des pistes de réflexions sur ce que peut être l’amour véritable, des rouages à aligner différemment, des façons de se reconnecter en conscience, d’embrasser ses propres vertiges. Un faisceau à saisir au passage : « Un mystique c’est quelqu’un qui voudrait que la vie ne finisse jamais. Ou qui en mourant, aimerait dire, prolongeant le souffle du poète : mehr Licht, mehr Lied, mehr Liebe – plus de lumière, plus de chant, plus d’amour – toujours plus. »
Anne-Lise Remacle