Comme un bonnet sur la mer

Claude DONNAY, Un été immobile, M.E.O., 2018, 300 p., 20 €, ISBN : 978-2807001657

Écrivain belge dans la trentaine, Jésus-Noël cherche l’inspiration à Ambleteuse, sur la Côte d’Opale. Il y fait la connaissance d’Amelle, une nageuse coiffée d’un bonnet blanc qu’il a observée avec gourmandise tous les matins depuis la dune et qui était elle-même attirée par ce guetteur immobile. S’ensuit une complicité amicale qui va déboucher sur un rapport plus intime dont la disparition brusque d’Amelle, apparemment enlevée par un bellâtre à cabriolet, déjoue l’heureuse conclusion. Grande frustration pour Jésus qui n’a plus pour la retrouver que le fil d’Ariane qu’elle semble avoir laissé à dessein chez elle : le journal de Maria, sa mère, espagnole d’origine, victime d’un mariage calamiteux avec un fils-à-maman et torturée par le mépris très actif que lui voue sa belle-famille du Brabant Wallon, bourgeoise et cul-serré. Récit poignant dont Jésus envisage de faire un livre tout en y cherchant un élément qui le mettrait sur la piste de la disparue. Ainsi commence le second roman de Claude Donnay où affleure la fibre poétique qui a nourri ses nombreux recueils. Et où le sexe s’exprime aussi avec franchise, qu’il s’agisse de saphisme ou d’une partouze où personne ne laisse sa part aux chiens.

Un indice concret a fini par conduire Jésus en Auvergne, dans un établissement pseudo-psychiatrique dont il entend arracher Amelle, apparemment rendue aboulique par le sémillant « dottore » – l’homme au cabriolet – qui la dirige. Il est accompagné dans cette entreprise quasi « tintinesque » par Mireille, sa logeuse d’Ambleteuse, bibliothécaire au grand cœur et à la soixantaine allègre qui chouchoute ce troublant jeune homme, lui-même n’étant pas insensible à cette affection platonique et maternelle. Enfin, presque… Toutefois, il s’avère que le passé lourd d’Amelle, finalement ramenée à Ambleteuse, reste un boulet dont elle ne peut se libérer.  Du moins pas à la faveur de sa relation avec Jésus, conscient lui-même qu’elle ne mènerait à rien : « tu n’apprendras rien en restant ici qu’à mourir jour après jour, et ce n’est pas un programme taillé pour toi… ni pour moi… ». Ils se quittent donc comme deux bateaux qui se seraient croisés sur cette mer de la Côte d’Opale. Et voilà que le scenario sentimental et très complexe ourdi par cet « été immobile » s’achève ainsi, comme ces faux nœuds d’apparence solide qui se défont lorsque l’on tire sur les bouts de la ficelle. Avec de la tristesse en plus : « Peut-être la vie n’est-elle finalement que cette attente, ce rêve posé sur la mémoire comme le bonnet d’Amelle sur la mer, ce bonnet qu’il va continuer à guetter entre les oyats, comme on scrute l’horizon les doigts croisés au fond des poches pour susciter encore un sourire du destin ». Mais aussi avec le bénéfice d’un roman que l’on pourrait qualifier de « précuit » pour l’écrivain en mal d’inspiration et la vigilante affection de Mireille « trop heureuse de sa présence, de la chaleur qu’il versera dans les murs chaulés, dans son ventre de femme oubliée ».

Ghislain Cotton