Fadeur / douceur / légèreté

Geneviève BAULOYE, Feuillage / Filigrane, couverture de Pierre Zanzucchi, La Feuille de Thé, 2018, 33 p., 18€, ISBN : 979-10-94533-16-1

Voyage infini du songe
Au pays du merveilleux
Le ciel reflète les
Variations d’un lac
Le feuillage en filigrane
Esquisse les secrets du soir

L’on pourrait dire, du livre de Geneviève Bauloye, Feuillage / Filigrane, qu’il est fade. La pensée chinoise envisage la fadeur comme la capacité à recueillir en son sein toutes les saveurs, sans trancher pour l’une au détriment d’une autre (ainsi qu’ont pu le mettre en lumière, par exemple, les travaux du sinologue et philosophe François Jullien). C’est un tel recueillement – à la fois disponibilité et rassemblement d’impressions – qui semble à l’œuvre dans ce livre. Il invite le lecteur à se mettre au diapason de la contemplation synesthésique qui a mis l’écriture de ce recueil en mouvement.

Retrouver la saveur du temps
Ses multiples transparences
La fraîcheur de l’oranger
Puis s’absenter dans
Le chant des mémoires

L’on pourrait dire, de ce livre de Geneviève Bauloye, qu’il n’est pas véritablement marquant. Rien, dans ce recueil, n’imprime une violence à la pensée ou à la chair tant le champ sémantique de la nature, extrêmement présent, efface l’être au profit d’une sensibilité de la douceur. L’éphémère, le fugace et le « reflet / De la vie passagère » y sont fluides et donnent au recueil une coloration douce et lente. De ce point de vue, ce livre s’inscrit dans la constellation formée par d’autres titres de Geneviève Bauloye, tels que Le Charme de l’absence (éditions Caractères, 1997), L’encre des miroirs (éditions L’Arbre à Paroles, 2000) et L’Unité des étoiles (éditions Schena, 2004).

Divisé en trois parties, intitulées « De si loin », « Passages » et « Feuillage / Filigrane », le recueil trouve son unité au travers des thèmes du passage et de la mémoire, celle des « êtres chers » qui « reviennent […] / Par la fenêtre du feuillage ». Ceux-ci font affleurer une tonalité mélancolique qui s’accorde, au sens musical, à l’observation des saisons qui passent et à la lumière qui joue avec ses ombres. L’encre de Pierre Zanzucchi en couverture se marie avec les esquisses poétiques qu’effectue Geneviève Bauloye. Elle annonce la délicatesse des textes, de temps en temps troublée par des enjambements, sans que ceux-ci ne viennent altérer la respiration qui y vit.

L’on pourrait toutefois regretter l’abondance de compléments du nom, tels que « l’éclat des cerises », « le ciel changeant de la plénitude », « l’irréalité des nuages », « les fenêtres de novembre », qui peuvent parfois déforcer les poèmes et ramener les images poétiques dans le connu. S’il ne va pas jusqu’à l’invention de nouvelles formes d’être et d’expression, le geste de l’évocation emporte la lecture au gré des rêveries poétiques, entre songe et silence.

Avec ses lueurs d’icône
Le ciel d’automne couvre
Nos épaules rejoint la terre
Et le marbre   L’eau claire de
La nuit approche

L’on pourrait dire, de ce livre de Geneviève Bauloye, qu’il est léger. Il semble que là soit sa vocation, en refermant le recueil sur cette clausule où « […] l’eau claire de / La nuit approche » : sur les saisons, dans le frémissement des arbres et la transparence des choses, ne pas peser plus lourd qu’un léger vent, qui évoque notre condition d’êtres de passage, sans plus, et tout simplement.

Charline Lambert