La malédiction des trente-cinq ans

Jean-Louis AERTS, Un demi-siècle de mensonges, 180° éditions, 2018, 352 p., 19 € / ePub : 9.99 €, ISBN : 978-2-931008-00-3

Floreffe, juin 2006 : Simon Voinet, le grand-père de Marylou, est renversé par une voiture, qui disparaît dans la nature, et meurt sur le coup. Est-ce un accident ou un meurtre ? L’inspecteur Gleizner mène l’enquête et bouscule rapidement Marylou qui garde en elle de terribles secrets.

Adoptée à quatre ans, elle a été amenée quelques années plus tôt à faire la connaissance de Dantiedov, un richissime vieillard américain qui a eu une terrible mainmise sur sa vie. Prise en affection par le vieil homme, Marylou entre dans les confidences et est chargée d’écrire sa biographie. Il lui fait part notamment d’une malédiction qui frappe la famille de son père biologique. Peu à peu, elle comprend les enjeux dont elle fait l’objet. La vie de Marylou est parsemée de troublantes coïncidences : son grand-père est mort le 6 juin 2006, exactement un siècle après que son aïeule, Rosa Canova, la mère de Dantiedov, a été violée. Les attentats du 11 septembre emportent Dantiedov et une partie de ses secrets, dans l’effondrement du WTC.

Couvin, été 1942 : Émilie a seize ans. La Belgique est occupée, comme sa maison familiale. Un colonel y a établi ses quartiers, au grand désarroi de son père qui déteste les Boches. Peu à peu, une liaison dangereuse, mais incontrôlable, se tisse entre Émilie et le chauffeur du colonel allemand, Guillaume. La jeune fille tombe enceinte et est envoyée dans une clinique nazie, à Wégimont. Elle ne veut pas que son enfant devienne un soldat allemand. Comment déjouer le destin ? Une infirmière, Judith, va y jouer un rôle crucial.

Bruxelles, été 1958 : Jeanne a qinze ans. Bruxelles est en fête : c’est l’Expo universelle. Elle mène une relation somme toute particulière avec son frère Georges. La morale a beau le leur interdire, ils s’aiment d’un amour plus que fraternel. Ils s’échappent tout l’été à l’Exposition universelle où balades, glaces et longues discussions sont de la partie. Ils attendent patiemment la majorité de Jeanne. Leur amour pourrait à tout moment éclater au grand jour. Que vont penser les gens ? Et leur mère ?

Ces trois histoires, en apparence totalement indépendantes, vont peu à peu se rassembler. Marylou tente de mener jusqu’au bout la dernière volonté de Dantiedov. Elle veut écrire son livre et mène l’enquête de son côté. Qui a tué son grand-père ? Et pourquoi ?

Difficile de résumer l’intrigue du roman de Jean-Louis Aerts sans en dévoiler ses rouages. L’auteur fait voyager le lecteur à travers plusieurs décennies, de 1942 à 2006, et une foule de lieux : Fréjus, Bruxelles, Couvin, Gedinne, New York, Wégimont, Grenoble… Complètement déconcertantes au début (va-t-on réussir à suivre l’histoire ?), les intrigues en parallèle d’Un siècle de mensonges captivent rapidement. Les pièces se rejoignent peu à peu avec une résolution explosive. Même si cette histoire de malédiction et certains faits peuvent sembler saugrenus, on dévore le livre d’un bout à l’autre, avec appétit.

Ce thriller et fresque familiale permet également à l’auteur d’évoquer plusieurs événements marquants du XXe siècle, le plus souvent tragiques : la deuxième guerre mondiale, l’Exposition universelle de 58 et les attentats du WTC. Mais aussi le terrible incendie de l’Innovation de 1967, qui détient encore à ce jour, en Belgique, le triste record de victimes (plus de deux cent cinquante) ; l’incendie d’une discothèque près de Grenoble en 1970 qui avait fait de nombreuses victimes, surtout des jeunes, et qui avait été rapidement détrôné de l’actualité par la mort de Charles De Gaulle – rappelons le désormais célèbre titre de Hara-Kiri, « Bal tragique à Colombey – 1 mort », qui avait alors valu au magazine d’être interdit de parution – ; la rupture du barrage de Malpasset en 1959, du côté de Fréjus, qui libéra, dans la vallée, des millions de mètres cubes d’eau qui emportèrent tout sur leur passage.

En somme, un roman dense et ambitieux, mais qui tient bien la barre et est clairement passionnant.

Émilie Gäbele