Natalie DAVID-WEILL, Bon à rien, Robert Laffont, 2018, 355 p., 20 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 978-2-221-19575-8

Grégoire est astrophysicien, Charlotte est ophtalmologue. C’est dire s’ils mesurent l’importance des études dans le parcours d’une personne et combien leur désarroi est grand lorsque leur fils Félix donne des signes évidents de faiblesses scolaires. Ses notes se dégradent, les remarques des professeurs se suivent et se ressemblent, mettant en évidence sa distraction, son manque de travail et ses mauvais résultats. Comble de l’humiliation : les parents sont convoqués par la directrice de cette école secondaire huppée qui leur conseille dès à présent de réfléchir à l’inscrire ailleurs l’année scolaire prochaine.
Rythmé sur le calendrier scolaire, et s’étalant sur trois trimestres, le récit est celui de Charlotte qui consigne les faits par le menu en les datant, relevés de notes à l’appui. À la lire, nous mesurons à quel point la situation ronge la famille et le couple. Félix est pris dans une spirale négative, la pression sur lui augmente jusqu’à l’insupportable sans que la tendance s’inverse. Grégoire, qui est lui-même confronté à des défis scientifiques peu évidents qui mettent sa carrière en jeu, le charge de travaux complémentaires, de lectures, lui imposant un programme quotidien. Charlotte, qui croit peu aux méthodes autoritaires, se réfugie dans sa vie professionnelle et dans la lecture. Elle se plonge une partie des nuits dans les biographies de personnages célèbres qui ont été d’abord des cancres avant d’épater l’humanité. Dans les débats qui animent les discussions de couple, elle brandit Einstein, Richard Branson, créateur de l’empire Virgin, Edison, Churchill … Elle trouve dans Chagrin d’école, de Daniel Pennac, les mots qui la touchent et rendent espoir.
Mais ces prises de distance ne règlent rien dans l’immédiat. L’étau scolaire se referme sur Grégoire tandis que se multiplient les consultations auprès de spécialistes divers sans qu’aucun s’avère vraiment efficace. À chaque fois, c’est un peu d’espoir qui se dissipe bien vite face à des professionnels souvent excentriques et suffisants. Cette errance épuisante ramène Charlotte à son propre passé de cancre qu’elle a dissimulé à son mari et à ses enfants, elle tend la relation avec sa belle-mère, très portée sur les signes extérieurs de réussite. Elle touche aussi Louise, sa sœur, qui doit faire un choix pour ses études supérieures et redoute de décevoir aussi les siens. Jusqu’au jour où l’avis d’un spécialiste remet enfin tout en question en abordant le problème par un biais nouveau et évident.
Abondamment documenté sans être savant ni lassant, ce roman, le deuxième de Natalie David-Weill, trouve les mots justes pour dire la détresse scolaire qui touche tant d’enfants. Il souligne à quel point celle-ci ébranle les parents et la fratrie, ramenant chacun à sa propre histoire, à ses propres représentations. Il réaffirme aussi utilement que les idées reçues, les jugements hâtifs et surtout les pronostics négatifs et définitifs peuvent très vite atrophier un destin, au contraire des propos qui poussent en avant et libèrent le ressort puissant de la résilience.
Thierry Detienne