Aurélien DONY, Du feu dans les brindilles, Bleu d’encre, 2019, 65 p., 12 €, ISBN : 978-2-930725-25-3
Aurélien Dony fait partie d’une nouvelle génération de poètes née dans les dernières années du XXe siècle. Une génération accoutumée aux paradoxes d’une modernité qui se cherche entre désirs de silence et torrents de communication. Quelle place pour le poète dans ce chaos du monde ? Dans cette gabegie où « l’algèbre des morts » dicte le plus souvent la loi des hommes ? Reprendre pied, se réapproprier les colères, les rêves et les voix que le bouillonnement du temps broie sous un vacarme volontairement assourdissant. Comme pour mieux brouiller les pistes.
Placé sous une dominante rouge comme une terre battue par les vents déglingués et les révoltes écrasées, le recueil dit tout, sans fard, du feu qui sourd sous les brindilles. De cette crainte, de cet avenir incertain. Le poète dès lors hésite entre deux attitudes, entre le retrait et l’action. Tension qui naît de ces contrastes justement, de cette avalanche contemporaine qui épuise tant et qui transparaît dans l’écriture alternant prose et poésie :
Et oui, aujourd’hui, ne pas être du tout du dehors, ne pas être du cri, du pas, du chant du dehors c’est trahir, oui, c’est trahir la marche des Hommes, des Femmes, c’est s’extirper à tort du monde et de son grand cataclysme moderne
Pour réactiver le feu qui dort, il faut le soufflet du poème, instrument capable de donner un peu de rouge aux joues de tous ceux qui attendent dans le « conforme ». En prise avec le réel, avec l’actualité « brûlante », le poème actionne la forge du monde qui déraille, sous « le fer rouge », aussi rouge que la révolution, le sang, la pourpre des princes-tyrans ou la gorge qui s’époumone dans le vide ! Une rage, un fond de violence suintent des vers de Dony.
Autour de moi les cris
Mon père
Les cris du monde en sang
C’est vous, mon père,
Ma mère et ses chansonsQui me poussez au monde comme on se rêve héros
Le poète n’est pas un héros, seule compte la « voix de forge » dont il convient d’entretenir le souffle !
Les forges
Où nous battions le fer
De nos idées nouvelles
Palissent de jour en jour
Malgré tout notre souffle
Rony Demaeseneer