Pull rouge, travail noir

Christiana MOREAU, Cachemire rouge, Préludes, 2019, 272 p., 16.90 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2253045663

C’est la fin d’un monde – finalement très semblable à ce que chantait Jean Ferrat en 1965 déjà ! :

Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l’autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n’y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie

Bolormaa, dont le nom signifie « cristal », est la cadette d’une famille de pasteurs mongols. Mais avec la modernisation, la normalisation et la globalisation, sa famille va devoir, de gré – pour ses deux frères aînés – ou de force –  pour ses parents – ,  abandonner son nomadisme ancestral et passer du grand air dans les immensités venteuses de la steppe à un modèle d’élevage industriel.  La jeune fille, quant à elle, va se retrouver dans une usine-prison, attachée – ô combien – à un métier à tisser dix heures par jour. Mais avant cela, comme un chant du cygne, elle va fabriquer son chef-d’œuvre, un pull en cachemire rouge, avec la laine de ses chèvres, cardée, filée, teintée et tricotée de ses propres mains.

Après plusieurs mois d’une vie sans perspective, Bolormaa va partir pour l’Italie avec son amie d’atelier, la chinoise XiaoLi,  toujours optimiste et jamais à court d’un proverbe chinois.  Quand le train rempli d’émigrés partant tous de leur plein gré traverse la Mongolie Extérieure, « elle revoit la petite fille qu’elle était, accrochée à son père, galopant sur leur cheval fougueux dans la musique harmonieuse du vent de la liberté. Un bouquet de regrets dans les yeux, elle s’imprègne tant qu’elle le peut de la beauté du spectacle, de la plénitude de l’instant parfait qui s’échappe à jamais. »

Une fois arrivée à Prato au terme d’un voyage plein de risques et de périls, Boloorma et son amie chinoise auront échangé une usine-prison en Chine contre un atelier de textile clandestin,  tenu d’une main de fer par un mafieux esclavagiste chinois et sa clique.  Tout ça pour ça…  Mais Boloorma va courageusement forcer le destin, munie du talisman que lui avait donné Alessandra lors de leur brève rencontre sur le marché d’Ordos, en Chine.

Ce deuxième roman de Christiana Moreau n’économise ni les rencontres improbables ni les hasards providentiels ; on n‘est pas loin non plus du mélodrame mais pourquoi pas ? Ce n’est en aucun cas une raison de bouder son plaisir : l’histoire est prenante, le personnage de Bolormaa est très attachant et le suspense est au rendez-vous, avec ce qu’il faut de retards et de rebondissements pour tenir le lecteur en haleine avant le dénouement.

Bref, une belle histoire qui se lit avec plaisir.  

Marguerite Roman