Arnaud DELCORTE, Aimants + Rémanences, Unicité, 2019, 117 p., 15 €, ISBN : 978-2-37355-294-2
Sur les marches de La Bourse à Bruxelles, Arnaud Delcorte tient une revue de poésie épaisse et graphique, où l’un de ses poèmes polyglottes a été publié. Nous nous installons à la terrasse la plus proche, vaste et vide à cette heure d’ouverture, autour d’une petite table ronde, bistrotière avec son pied noir, art déco, en fonte. L’auteur porte une barbe courte et soignée. Ses lunettes cerclées scintillent au soleil comme sa boucle d’or d’oreille gauche, qui ressemble à une petite alliance.
Chaque seconde est un mot
Chaque mot est une sensation
Chaque sensation va au cœur
D’emblée, il lie son diplôme d’ingénieur civil, spécialiste en physico-chimie moléculaire des surfaces, à son activité d’auteur : il s’agit bien de recherches dans les deux cas. Sur la couverture de son nouveau recueil Aimants + Rémanences, l’écho spectral entre ses activités a priori opposées, objective l’une, subjective l’autre, se synthétisent dans l’usage de ce + mathématique. Le mot « aimants » et ses rémanences magnétiques ne sont en effet pas que physiques (la science). Ils sont aussi physiques (les corps). Aimants des amants et rémanences des relations passées.
« Ton corps ne m’émeut plus »
Quel ingrat serais-je de t’en vouloir moi qui ai
Deux fois ton âge ; tu m’as rendu le goût.
Il s’agit donc bien de recherches, et si l’une est académique, l’autre n’est pas littéraire mais identitaire. C’est à New York que la vie de l’auteur a connu son big bang scientifique et sentimental avant un retour en Belgique vers l’UCL et Saint-Louis. Depuis, il questionne et provoque son itinéraire amoureux et sexuel sans pudeur. Sa réflexion se décline, souvent douloureusement, entre Amour et amours ; minuscules, singulières, majuscules, plurielles.
Une solitude bien gagnée
Au petit jour
Fils d’un capitaine de marine marchande, les voyages et l’aventure l’ont bâti. Son vocabulaire est né dans ce mouvement de marées continu : joies, larmes et vague à l’âme. Sa poésie est à fuseaux horaires variables et ses amours sont tapageuses où « tu » est partout, pluri-multiple, entier dès le premier vers :
T’aimer me ravit et me blesse
Soit deux recueils en un, le premier de quatrains, le second de forme libre, où l’amour fait 1 à partir de notes en carnet noirs depuis 2015 ; de souvenirs et traverses.
Un amour n’est qu’un amour
Comme un fado il se fond dans la nuit
Un amour n’est qu’un amour
Rien de plus, rien de moins.
Tito Dupret