D’un roman l’autre

Nadine MONFILS, Le rêve d’un fou, Fleuve, 2019, 128 p., 14,90 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2265116313

Nadine Monfils n’a pas fini de nous étonner. Spécialiste du polar drôle plein d’humour baroque et couronnée de prix en cette qualité, elle change ici de registre. Cette fois, elle met en scène dans son dernier livre, Le rêve d’un fou, un personnage réel, le facteur Cheval dont elle cite même par moments les paroles authentiques. « Les rêves, ça chasse les larmes », nous dit-elle, évoquant la croyance de son héros. Il s’agit d’un vrai roman.

Le ton y est, la fantaisie aussi, bien qu’elle s’y soit inspirée de faits avérés et bien connus : la vie de ce facteur qui a imaginé et construit le fantastique Palais idéal à Hauterives dans la Drôme. Ferdinand Cheval  a perdu son fils Victor en bas âge et aussi sa fille Alice à l’âge de 15 ans. Lors de sa tournée, il se lie d’amitié avec Joseph, un peintre « du dimanche », qui n’a plus vu sa propre fille depuis longtemps. Après la mort de celui-ci, le facteur découvre une lettre envoyée par la fille de son ami qu’il ne connaît absolument pas. Il lui répond en se faisant passer pour son père. La correspondance entre ce père privé et cette fille imprévue se poursuit, ce qui permet à l’auteur de décrire en détail le fameux palais idéal dont Cheval est le créateur voire l’artiste avec ses mots mêmes.

Ce facteur précise ailleurs qu’il n’est pas instruit mais on en sait assez sur lui et son œuvre pour en croire Monfils et les surréalistes qui l’ont reconnu. Inspiré des faits réels, le roman adopte un ton simple mais jamais simpliste, on pourrait le qualifier de fidèle. C’est ainsi que les paroles de Cheval sonnent juste avec ce qu’il faut de rusticité pour charmer. Ce qu’il faut de poésie aussi. Et de brouiller suffisamment les pistes pour dérouter ceux qui n’apprécieraient pas l’art naïf et sauvage. Ce qui donne beaucoup de vivacité au récit, allègre avec ses inventions qu’autorise le genre. Le personnage de Marthe est par exemple totalement fictif, ce qui est aussi le cas de la correspondance échangée avec le facteur, qui touche d’autant plus qu’elle est évoquée avec retenue.

Un roman intéressant, sensible et émouvant.                                                                                                

                                                                                                                      Jeannine Paque