« J’ai cent ans » : Jacques De Decker dans nos archives

Jacques de Decker

Pour son centième numéro, paru en novembre 1997, Le Carnet et les Instants avait invité les écrivains belges à imaginer leur propre centenaire et à rédiger un texte sur le thème « J’ai cent ans ». Les contributions ainsi collectées donnent à ce numéro 100 les allures d’une étonnante anthologie de la littérature belge. Parmi les auteurs qui avaient répondu à l’appel de notre revue : Jacques De Decker.

Un texte que nous republions aujourd’hui, en hommage à l’écrivain et figure des Lettres belges décédé ce 12 avril 2020. Celui qui venait alors d’entrer à l’Académie (il en deviendra secrétaire perpétuel cinq ans plus tard) imaginait le 23 août 2045, jour de son centième anniversaire, sur un mode quelque peu ironique.

 

JACQUES DE DECKER TOUJOURS VIVANT !

L’auteur de Fitness a fêté son centième anniversaire en Écosse 

Reuter (bureau d’Edimbourg), 23 août 2045.

Contrairement à la rumeur publique, Jacques De Decker est toujours vivant. Il vit retiré dans un petit bourg d’Écosse, du nom de Dunkeld, au bord de la rivière Tay. Une jeune étudiante liégeoise, attelée à une thèse sur la littérature belge fin-de-siècle, a retrouvé sa trace. Elle avait été intriguée, en surfant sur Internet, par un feuilleton littéraire signé Toni Brems, qui présentait des correspondances curieuses avec certains ouvrages de Jacques De Decker, sa Vie d’Henri Ronse notamment, qui, parue deux ans après la disparition du grand homme de théâtre, avait déclenché une controverse célèbre. Peu de temps après, la dissolution de la Belgique et donc de son Académie avait décidé l’Académicien belge à prendre le chemin de l’exil.

Interrogeant la SACD, l’étudiante avait appris que Toni Brems était le pseudonyme dont Jacques De Decker s’était servi vers 1985. L’auteur aurait convié la chercheuse à son centième anniversaire, qui se serait fêté sous chapiteau et aurait été agrémenté d’une représentation du Songe d’une nuit d’été. Sa seule condition était qu’elle ne fasse pas état de cette invitation autour d’elle.

La famille d’Hélène Dieudonné – puisque la jeune romaniste porte le même nom qu’un personnage des Parades amoureuses, roman de De Decker surtout réputé pour sa transposition en CD-ROM – ne tarda cependant pas à apprendre qu’elle s’était installée elle aussi à Dunkeld, afin de se documenter en vue d’une biographie de l’auteur de La grande roue, qui aurait déclaré : « Hélène pourrait parvenir un jour à me réconcilier avec ce qui fut la Belgique ».